Archives de catégorie : billets et commentaires

l’association des sommeliers parisiens présente ses vœux mercredi, 12 janvier 2005

Je me rends à l’invitation de l’association des sommeliers parisiens à leur réunion de présentation des vœux. C’est l’occasion de retrouver des professionnels que je respecte et que j’apprécie. L’ambiance est extrêmement amicale et chaleureuse et des propriétaires de vins prestigieux sont venus apporter leur soutien à cette association. Même si l’on peut penser que le motif commercial n’est pas totalement absent, on voit de chaudes complicités qui font plaisir. De grandes bouteilles sont ouvertes à profusion. La réunion se tient au sein de l’école des arts de la table. Ces beaux métiers de bouche se tiennent les coudes. C’est bien. J’aimerais aussi y croiser parfois un grand chef qui viendrait en ami apporter un soutien à ces experts qui participent à la réussite des grands dîners. Le président de l’association me demanda d’offrir un de mes dîners à un apprenti méritant qu’il désignerait. J’espère marquer un jeune esprit par la beauté des grands témoignages de l’histoire du vin.

repas « du Siècle » organisé par Robert Parker au Japon mercredi, 15 décembre 2004

Ma fille m’appelle et me dit de regarder TF1. Je prends avec retard le compte-rendu du fameux repas organisé par Robert Parker au Japon au budget pharaonique. Je vois avec un infini bonheur Joël Robuchon dans ses cuisines, donnant ici des conseils, des ordres et contrôlant là la beauté d’un plat. C’est le vrai Robuchon, celui que je considère comme le Dalaï Lama de la cuisine, le Dieu vivant. Et la suite du reportage me montre une succession d’erreurs commises non pas sur la nourriture mais sur les vins, que mon cerveau va sans doute d’autant plus détecter que je n’y étais pas.

D’abord il y a vingt convives, ce qui est une erreur pour des vins de ce niveau. Il y avait deux bouteilles de Margaux 1900. L’une est déclarée morte par Joël Robuchon, j’y reviendrai. Que va-t-on faire de la seule conservée ? Donner un demi  verre à chaque convive ? Quelle frustration. La vérité est dans une table de dix, chacun des convives participant à la même aventure. Lorsque l’on ouvre une bouteille de Latour 1934, tout le monde boit Latour 1934. Lorsque l’on ouvre deux bouteilles de Latour 1934, plus personne ne boit Latour 1934. Chacun essaie de savoir comment est « l’autre » Latour 1934. On n’imagine pas à quel point ce détail change le plaisir de la dégustation. La deuxième erreur est d’avoir ouvert les bouteilles au dernier moment. Le vin n’aura pas profité de l’oxygénation salvatrice. On aura noté sur Envoyé Spécial que les bouteilles de 1865 ont été ouvertes deux heures avant. Mais Bernard Hervet nous dit : « buvez lentement, car en une heure le vin va encore s’améliorer dans le verre ». Ce qui justifie pleinement ma méthode d’ouvrir quatre heures avant et de gérer l’oxygénation des vins, car deux heures d’ouverture de plus auraient donné instantanément dans le verre la perfection recherchée par la maison Bouchard. La troisième erreur est la façon dont les vins furent ouverts. On voit une bouteille verticale d’où s’extrait un tirebouchon ordinaire de sommelier avec des lambeaux de bouchon. Méthode mauvaise. La quatrième erreur, c’est que Joël Robuchon sent la bouteille qui vient juste d’être ouverte. Elle pue forcément, et sans attendre l’oxygène qui l’eût ressuscité, Joël Robuchon qui en goûte une infime gorgée la déclare morte. J’ai failli m’évanouir, car cette bouteille vient très probablement rejoindre le contingent des bouteilles injustement condamnées. Mon « Dieu vivant » a forcément un nez que je respecte et son jugement est peut-être bon. Mais j’ai trop souvent constaté que des odeurs putrides précèdent de vraies perfections pour que ce jugement abrupt me paraisse inutilement rapide. La cinquième erreur est d’avoir carafé les vins, ce qui casse leur structure intime. Et quand j’ai vu une femme dont le sous-titre annonce « professeur d’œnologie » remuer le vin dans son verre, je me suis dit : « la messe est dite ». Tout est juste au plan culinaire. C’est faux au chapitre des vins, sur ce que j’en ai vu, malgré la compétence extrême des organisateurs.

Je suis persuadé que ce repas aura comblé les participants. Mais de même que j’admire le perfectionnisme exigeant de Joël Robuchon en matière culinaire, on comprendra qu’avec le même souci de la perfection, centre de ma démarche, je réagisse quand on s’écarte des voies indispensables pour la mise en valeur de ces trésors de l’histoire œnologique. Cela donne encore plus de motifs de créer cette Académie des Vins Anciens. On a peut-être jeté à tort une Margaux 1900. On a utilisé des méthodes inadéquates. Il est temps d’agir.

Emission d’Envoyé Spécial sur France 2 mardi, 14 décembre 2004

Emission d’Envoyé Spécial sur France 2. Jamel Debbouze, star qui démontre la réussite d’un jeune français. Patrouilles de policiers dans les transports en commun : c’est l’échec d’autres français, jeu de cache-cache inutile puisque les mineurs incivils ont une totale impunité. Contre cette situation, un néo-nazisme des plus agressifs. Heureusement, ça ne se passe pas chez nous, pense-t-on. Après ces trois sujets qui abordent trois facettes d’un même problème, que viennent donc faire les vins anciens ? Je me le suis demandé. Et à force d’avoir vu des personnages au visage caviardé pour qu’ils ne soient pas reconnus, je me suis dit : « c’est sûr, moi aussi je vais être brouillé ». Et survient alors un sujet poétique, un vigneron qui garde dans sa poche et pour sa tombe de la terre ancestrale comme on gardait autrefois des marrons dans ses poches, des flacons d’une émotion rare. De magnifiques images de vignes dont les allées sont foulées par un historien enthousiaste.

Tout le monde aura salivé en nous voyant déguster ces vins de 1865 follement jeunes (bulletin 121). Le sujet fut bien traité, conduisant à penser que ce patrimoine des vins ancestraux contient des saveurs qui sont des sujets de vénération. La maison Bouchard y a trouvé une légitimité renforcée. Et les vins anciens aussi.

conférence sur « la science et les grands crus » dimanche, 12 décembre 2004

Peu de temps après je me rends au Musée des Arts et Métiers pour écouter une conférence sur « la science et les grands crus ». Hubert de Montille a plus l’esprit à s’amuser, à vagabonder sur les questions qu’à parler de science et les orateurs scientifiques vous dégoûteraient du vin tant la froideur de leurs analyses glace le plus enthousiaste des amateurs. L’un d’entre eux fit sa conclusion, en gros, sur cette affirmation : « les grands vins, ça n’existe pas, puisque personne n’a le même goût ». J’ai abondamment montré dans ces bulletins que les votes des convives exprimaient des goûts différents. Mais on peut plus vibrer à Van Gogh qu’à Delacroix ou à Ingres, et savoir différencier le peintre du dimanche de l’immense artiste. Même si l’on s’émeut plus à Brahms, à von Suppé où à Ravel, on accueillera autrement la musique de bastringue que le génie. Je suis resté sur ma faim.

Conférence sur les vins anciens samedi, 11 décembre 2004

Je prononce une conférence sur les vins anciens avec un thème intéressant : « la psychologie du collectionneur », suggéré par Nicolas de Rabaudy, instigateur de l’événement. Le maire du 16ème arrondissement me présente comme si nous étions des compagnons de dégustation de toujours alors que je fais sa connaissance. Les premiers arrivants me font penser qu’ils sont plus à la recherche du buffet de la mairie que du sujet évoqué. Mais en fait pas du tout. Un auditoire attentif posa de bonnes questions. Un auditeur me remercia d’avoir, grâce à mon livre, aimé un Moulin à Vent 1945 qu’il aurait sans doute ignoré quand d’autres constatèrent les erreurs qu’ils ont commises en n’écoutant pas le message de vins anciens qu’ils ont rejetés. La conférence fut utile. Nicolas de Rabaudy avait apporté deux beaux champagnes et un magnum d’un Quincy délicat. J’avais apporté quelques bouteilles d’un Coteaux du Layon La Roche Moreau 1981 qui fut très apprécié ainsi que des pépites, des Rivesaltes ambré domaine Cazes 1991 de pur charme, qui furent une révélation pour beaucoup de participants.

Salon des Saveurs jeudi, 2 décembre 2004

Je signe mon livre dans une boutique dédiée aux articles pour le vin. Je suscite l’intérêt de quelques clients. Le lendemain, c’est pour France Info que je vais parler de mon livre au Salon des Saveurs. Quelle fabuleuse tentation ! Tout a l’air bon. On pourrait avoir jeûné pendant un mois et jeûner ensuite pendant un mois tant des produits de grande qualité n’attendent que nos papilles. De nombreux vins sont présentés. Je retiens un très beau Chablis Grand Cru Blanchot la Chablisienne 2002 déjà plus ouvert et fruité que le « Grenouille ». Je retrouve avec bonheur la famille Laborde qui fait le beau Château Clinet et de délicieux Tokaji.

Mondovino jeudi, 4 novembre 2004

Je quitte la table de la dégustation des meilleurs champagnes de 1995 et 1996 en plein dépouillement de la première séance de notation (voir bulletin 120) pour aller assister à une représentation privée de « Mondovino » un long court-métrage sur les vins, les vignerons et surtout les œnologues puisque Michel Rolland est un fil conducteur de tout le film. Le parti pris rédactionnel et artistique du film est assez original : filmé en tremblotant, avec des cadrages approximatifs ou hors cadre, pour montrer une certaine distance par rapport au sujet. Quelques prises de vues désacralisent certains personnages célèbres, quelques passages sont carrément émouvants. C’est un beau film qui ne laisse pas indifférent quand on aime le vin. La caméra insiste fortement sur les chiens de tous ces personnages et c’est quand même assez étonnant de voir Robert Parker raconter que son dogue a la manie de péter et signaler quand il le fait, la caméra insistant sur son arrière train. Après la projection s’ouvre un débat passionné sur la mondialisation du vin, la place du vin français dans le monde et dans la presse. On parla de l’évolution des goûts, Hubert de Montille, délicieusement présent dans le film ne pouvant pas être d’accord avec Michel Rolland. Ce sujet passionnera les esprits pendant encore longtemps. On goûta ensuite plusieurs des vins du film et chacun pouvait y trouver la confirmation des thèses qu’il défend, soit de développer les techniques d’amélioration du vin, soit de s’accrocher à la sagesse du terroir. Comme c’est un sujet abordé dans mon livre, on ne sera pas étonné que je défende la mise en valeur intelligente du terroir par une approche modérée des techniques.  Un grand expert, Bernard Burtschy, m’a rappelé fort opportunément une phrase de Philippe de Rothschild qui s’adapte parfaitement à ce sujet et colle à l’exergue de mon livre : « faire un très grand vin, c’est facile ! Seuls les trois premiers siècles sont difficiles ! ».

une conférence aux Hospices de Beaune mardi, 5 octobre 2004

Aux Hospices de Beaune, une conférence dont le sujet est la présentation de la situation des vins à l’époque du Prince de Conti. Informations passionnantes sur les écrits de 1728 d’un moine anglais sur les vins de Bourgogne avec des classifications qui sont d’une actualité étonnante, des traités sur la dégustation des vins, l’approche de Thomas Jefferson, attentif analyste des vins français et fin connaisseur, le relevé de cave de Louis XVI où figurent Tokaj, Constanzia et les plus beaux vins de Bourgogne. L’influence de la politique et de la religion sur les évolutions patrimoniales des vignobles. On se plait à constater à quel point ce qui parait moderne aujourd’hui procède de savoirs déjà à pleine maturité avant la Révolution.

Autres essais … jeudi, 3 juin 2004

Une soirée en un magnifique château de l’Entre-deux-Mers que des passionnés parisiens retapent avec amour et goût. Un très joli petit château Laurée 2001 un délicieux Entre-Deux-Mers dont l’authenticité m’a plu. Les vignerons propriétaires sont de vrais esthètes.

Je repars vers mon Sud. Malgré un demi siècle de DATAR je suis obligé de TGViser jusqu’à Paris et Air Franciser jusqu’à Toulon-Hyères. C’est à peine plus long que d’aller à Johannesburg. Je pousse la conscience « professionnelle » jusqu’à essayer le Merlot du pays d’Oc de Louis Eschenauer proposé par Air France. Malgré ses 18 cl seulement je n’ai pas pu finir. Cet horrible jus de copeaux est une insulte au goût. Si c’est cela la mondialisation, je comprends qu’on suive José Bové. Le plus mauvais des vins de terroir est meilleur que cette mixture. Il n’aura pas réussi à effacer le souvenir d’un voyage bordelais d’intense plaisir.

Whisky ? samedi, 1 mai 2004

Un lecteur attentif de mes bulletins ayant repéré dans le bulletin 110 que je parle de whiskies, corrige la dénomination de l’un des deux, le plus fort en alcool, qui n’est pas pur malt mais single malt. Les passionnés de whisky auront corrigé d’eux-mêmes. Je voulais saluer comme il convient cette culture et cette précision.