Archives de catégorie : billets et commentaires

Gourmandise dimanche, 1 mars 2009

La gourmandise.

Je suis invité au déjeuner d’un club dont je ne suis pas membre, où l’on vient pour écouter plus que pour manger puisque l’hôte d’honneur est un ministre de la République. C’est au restaurant du Fouquet’s et le chef doit penser qu’il s’agit d’un club d’affamés du Sahel, car les portions sont gargantuesques. Nul, même le plus courageux, ne dépassera la moitié de sa portion d’osso-buco. Le ministre captive, et l’on nous sert en fin de repas un baba au rhum. Ce coussinet de forme torique, fourré en son centre d’une crème légère, fait trempette dans une eau à peine baptisée. Imaginons-le comme une montre dont on suit la course de l’aiguille des minutes. Si j’en mange un quart d’heure, c’est convenable, je n’abuse pas. Je marque une pause, contemplant la forme dissymétrique de l’anneau sectionné d’un quart. Si je m’arrêtais là, j’aurais fait preuve de volonté. Mais esthétiquement parlant, vingt minutes aurait plus de beauté dans l’assiette. Le ministre est passionnant, j’observe mon dessert dont il reste quarante minutes et je décide avec un mâle courage que je ne dépasserai pas la moitié, soit trente minutes de cette horloge en danger. Les trente minutes sont vite atteintes et le ministre parle toujours. Par un geste machinal, comme lorsque l’on balaie d’un revers slicé les miettes sur la nappe, j’entame la deuxième partie du dessert. Je me morigène. Comme lors d’un accident de voiture ou d’un uppercut du droit bien asséné, il arrive que l’on ne se souvienne plus de rien. J’ai cru m’entrapercevoir lorsque je franchissais la ligne des 45 minutes, et puis plus rien. L’assiette est vide. Je n’ai aucun souvenir de ma dernière lâcheté. C’est sans doute que le ministre fut convaincant.

La gourmandise se nourrit aussi de culpabilité.

Spectacular difference between Beaucastel 1991 and 1998 samedi, 28 février 2009

Yesterday I invited my daughter in law, my daughter and her husband in a restaurant that I like, restaurant of Patrick Pignol.

We began with a Champagne Drappier Grande Sendrée 1996. Very strange, very unusual, it had a certain dryness at the end of taste, but was sufficiently complex to be pleasant.

Then, we had Chateau de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape 1991. The nose is glorious, extremely expressive. In mouth, it is a pure pleasure, and possesses a maturity of the best possible level. Every drop of this wine gives a complete and sensual sensation.

As we had finished the wine before the end of the main course, I ordered a Chateau de Beaucastel Chateauneuf-du-Pape 1998. Nicolas, the sommelier, had warned me that I would find a great difference and would have preferred that I continue with a new 1991.

I remember having drunk this 1998 soon after it was released. And I had liked its spontaneous natural taste. But tonight, just after the 1991, the 1998 appeared as brutal, too simple, with a taste of too much in many aspects of its body.

The bottle is not in question, but the wine.

I can imagine that it is my taste which creates this impression. But my guests, of a younger generation, had the same opinion as mine.

I would be happy to know who has an opinion like mine, or who differs ?

LCI radio m’interroge sur les trois étoiles et la crise jeudi, 26 février 2009

L’annonce de l’arrêt du restaurant de Marc Veyrat sous la forme « trois étoiles » juste avant la parution du guide Michelin fait beaucoup parler.

Pascal Emond de LCI radio m’a demandé de venir à LCI radio pour répondre à ses questions et à celles de Stéphanie Morbois.

Voici le lien vers l’émission enregistrée le 26 février :

(écoutez la deuxième partie, en bas de page)

Elle sera diffusée dès le 27 sur www.lciradio.fr

Horaires : samedi 17h samedi 21h, dimanche 15h, lundi 10h, 16h

J’en ai profité pour parler du problème du prix des vins sur la carte des restaurants.

François Simon raconte notre dîner au restaurant Villaret mercredi, 18 février 2009

Dans le Figaro quotidien "Et vous" du samedi 14 février 2009, François Simon raconte notre dîner au restaurant Villaret (voir ci-dessous mon compte-rendu à la date du 10 février).

C’est sous le titre "Tête de Turque", qui fait référence au vin que nous avons bu.

L’article peut être lu ici : articleFSimon090214a.pdf

L’article est sur le blog de François Simon à la date du 18/02, l’un des plus passionnants de tous les blogs sur la gastronomie.

blog

http://francoissimon.typepad.fr/simonsays/

prise par F Simon

Photo prise par François Simon et mise sur son blog. Le titre de son billet sur le blog : "les vieux millésimes le rendent marteau".

Dans le même journal, il disserte sur le Guide Michelin sous le titre : "Le Michelin est-il cuit ?". C’est un des sujets sur lequel François et moi ne sommes pas d’accord, tout en respectant l’avis de l’autre.

En dégustation à l’aveugle, j’ai encore du travail à faire lundi, 26 janvier 2009

Après avoir déjeuné au George V et passé l’après-midi au bureau, je rentre à la maison pour dîner.

Sur la table, une bouteille de forme bourguignonne recouverte d’une feuille d’aluminium.

Ma femme me dit : « goûte ça ».

Je verse dans un verre à vin qu’elle m’a préparé.

A la maison, nous ne buvons jamais de vin quand nous sommes ensemble, aussi suis-je intrigué. S’agit-il d’un jus de fruit qu’elle aurait fait et mis dans une bouteille vide ? S’agit-il de quelqu’un qui serait venu à la maison avec une bouteille ? Mais pourquoi serait-elle ouverte ?

Je ne cherche pas plus la raison de tout cela, et je prends le verre.

La couleur est celle d’un vin, donc si c’est un jus de fruit, c’est mûre ou cassis.

Je sens, et, sans aucun doute, c’est du vin.

Je reviens à la couleur, et c’est la couleur d’un vin récent relativement peu fruité. Il n’y a ni noir ni rouge vif.

Je goûte. C’est assez limité, mais ce n’est pas mauvais, car je ne sens aucun excès.

Ma femme me demande : « est-ce que c’est bon ? ». Je dis que ce n’est pas si mauvais que ça, même s’il n’y a pas un grand fond. Et j’essaie de situer. Je suis évidemment influencé par la forme de la bouteille, et je risque : centre de la France, plutôt vers Beaujolais ou centre Nord.

Ma femme me dit : « est-ce que c’est français ». Je réponds que oui en toute vraisemblance.

Le suspense s’arrête quand ma femme enlève le papier d’aluminium.

C’est : « cuvée du Patron », vin de pays de Méditerranée, produit de France.

Le bouchon en matériau synthétique indique : « mis en bouteille dans nos chais ».

La contre-étiquette dit : « Cuvée du Patron, vin de pays de Méditerranée, vin rouge. Tout le soleil de la Méditerranée et la générosité du terroir de la Vallée du Rhône sont réunis dans cette cuvée ». Le vin fait 13° et contient des sulfites.

C’est donc, à mon sens, un mélange de vin d’Algérie et de vin du Rhône, non identifié. En fait non, c’est un vin français, car l’appellation vin de pays de Méditerranée veut dire vin français.

L’étiquette du prix est toujours là : 2,90 €.

J’ai trouvé que ce vin est plutôt meilleur que des vins mauvais de certaines régions. Je n’ai pas fini mon verre car il n’y a pas de raison de se faire mal, mais ce n’est pas si stupide.

Là où je me suis trompé, sans le dire, c’est que j’imaginais, du fait de la platitude du vin, qu’il s’agissait d’un vin de plus de dix ans. Erreur.

Je n’ai pas trouvé le vin, car on n’est pas franchement dans mes repères. Mais cette cuvée du Patron n’est pas si stupide que ça, parce qu’elle ne cherche pas à prouver quelque chose. Il y a des vins de cantine ou de buffet qui sont atroces à côté de celui-là.

Alors, pourquoi ce vin ? Ma femme prépare des joues de bœuf aux carottes confites.

72 wines drunk recently from 1896 up to 2008 (disgorgement) and my opinion lundi, 19 janvier 2009

Here are some wines drunk recently. As it covers the period of Christmas and Sylvester’s Eve, many were drunk in family or with friends, but some were drunk also within my dinners.

For once I will use the tool : PIME, PAME, PUME, which I find appropriate but that I do not use enough.

I am reluctant to give an “absolute” note for a wine, and I prefer to give a “relative” appreciation. It means that to say that a wine deserves “91” supposes that I know what is a “91” wine. Contrarily to that, for every wine, I have an expectation because my experience has given me the opportunity to approach many wines of every period. And to check how a wine performs comparatively to what I was expecting has – at least for me – a signification.

To make the tool even more efficient, I will use the sizes for clothes to describe how big the difference with my expectation is : S, M, L, XL and XXL signs which are very familiar for everyone.

I have listed the wine by difference with my expectation, and ranked by age.

Let us begin :

1 – 19 wines were PUME, under what I expected

1 XXL, 1 XL, 2 L, 4 M, 11 S.

Château Monbousquet Saint-Emilion 1982 : PUME, XXL. Corked.

Puligny-Montrachet de Moucheron Tasteviné 1955 : PUME, XL, almost dead

Château Coutet Barsac 1934 : PUME, L. Interesting, certainly, but it had not the perfection that such a wine should have.

Champagne Ruinart 1955 : PUME, L. Even if we enjoyed it, it was really tired.

Château Pibran 1928 : PUME, M. Not enough life in this wine.

Château Cheval Blanc 1962 : PUME, M. Lacked of consistency.

Pavillon blanc de Château Margaux 1988 : PUME, M. A certain lack of imagination, even if highly enjoyable.

Champagne Taittinger non millésimé : PUME, M, shows a lack of imagination

Château Suduiraut 1928 : PUME, S. I loved this wine, but the people around the table did not get the message, which explains why I downgrade the appreciation.

Vega Sicilia Unico 1941 : PUME, S. Good, but it has not the rhythm that a VSU should have.

Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1947 : PUME, S. This wine stank so much vinegar that I declared it dead. And it performed wonderfully. But anyway, it was not as flashy as it should be.

Clos de Vougeot Leroy 1949 : PUME, S. The wine had a level of 5 cm under the cork. The danger was big, but the wine performed well. Anyway, it had not the level it should have.

Champagne Perrier-Jouët 1964 : PUME, S. Great champagne, but largely under the Louis Roederer 1966 which we had for Christmas.

Champagne Salon 1982 : PUME, S. I adore this wine, but this one was more mature than other 1982. The maturity is elegant, but the pleasure is not as great.

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1984 : PUME, S. Great wine, but obviously it has lost a part of its youth.

Opus One Napa Valley 1988 : PUME, S. It is good, but it lacks emotion. Performs under what it should.

Champagne Krug 1988 : PUME, S. It did not perform as I wanted, due to a bad combination with spinach wrapping an oyster

Château de Fargues Lur Saluces Sauternes 1989 : PUME, S. I love this year for Fargues, and this one had swallowed its sugar. Pleasant, but not as great as I expected.

Clos de Vougeot Méo-Camuzet 1992 : PUME, S. I was in love with this wine, and I find it more quiet than explosive. I expected more, even if the wine is good.

2 – 25 wines were PIME, performing as I was expecting

Jurançon 1929 des caves Nicolas : PIME. Pure natural pleasure without any question.

Château Suduiraut 1944 : PIME. Very pleasant Sauternes, with not any problem. Straightforward.

Château Léoville-Las-Cases Saint-Julien 1945 : PIME. Perfect as I expected. A great and solid wine.

Chateauneuf-du-Pape Paul Etienne 1955 : PIME. Performed well, exactly as I expected.

Chambertin Grand Cru Pierre Damoy 1961 : PIME. Total serenity. This wine is always at the top. I use it as I use the Nuits Cailles 1915 when I want to have a secure perfection.

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 : PIME. No surprise, the perfection.

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 : PIME. No surprise, the perfection.

Vega Sicilia Unico 1964 : PIME. Exactly what I expected from a very nice year of Vega Sicilia Unico.

Château Haut-Brion blanc 1966 : PIME. Good, not incredibly complex, but solid.

Nuits-Saint-Georges les Fleurières Jean-Jacques Confuron ca 1970 : PIME. It began to be tight and then expanded in the glass, to offer a very nice set of tastes.

Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 1982 : PIME. Exactly as I hoped it would be. Not the greatest year, but a perfection of realisation

Rimauresq Côtes de Provence rouge 1983 : PIME. Lovely wine, I knew it, and i twas purely lovely, full of life.

Champagne Dom Ruinart 1986 blanc de blancs : PIME. Absolutely charming and full of grace.

« Y » d’Yquem 1988 : PIME large and powerful with suggestions of what Yquem is

Château d’Yquem 1988 : PIME. No worry, performs as it should.

Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1990 : PIME. Extremely great wine, not as great as the 1986 that we drank in magnum, but an immense Corton Charlemagne

Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1992 : PIME. A wonderfully powerful wine, corresponding to its reputation. 1992 confirms that for white Burgundies, it is a delight.

Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel blanc 1993 : PIME. Very enjoyable wine, consistent with its definition.

Chassagne-Montrachet Morgeot Domaine Ramonet 1994 : PIME with a nice complexity

Champagne Delamotte 1997 : PIME. Very easily drinkable and gentle.

Champagne Delamotte 1997 : PIME. Very drinkable and fresh.

Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 : PIME. Gentle and very agreeable champagne.

Château Rayas blanc 1997 : PIME. It performed exactly as I wished, with the fruit of the youth.

Champagne Dom Pérignon 1999 : PIME. This wine continues to improve by every try.

Champagne Substance de Jacques Selosse disgorged in March 2008 : PIME. Totally perfect as I wished. An extreme personality, despite the young age.

3 – 29 wines were PAME, performing above what I was expecting.

10 S, 11 M, 4 L, 2 XL, 2 XXL

Château de Rolland Barsac 1929 : PAME, S. Surprised me by a strength which such a wine should not have.

Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 : PAME, S. It performed very well. Extremely precise wine.

Chateauneuf-du-Pape Bouchard et Cie probable 1959 : PAME, S. Very great Chateauneuf. Full of grace and gentleness.

champagne Dom Pérignon 1969 : PAME, S. Absolutely perfect. Even if I was ready for that, I am always under the charm of such a complexity.

Château Brane-Cantenac 1978 : PAME, S. Very comfortable, better than what I expected.

Domaine de Mont-Redon Chateauneuf-du-Pape 1978 : PAME, S. A wine of pure pleasure, absolutely convincing. Great year and great pleasure.

Champagne Charles Heidsieck 1982 : PAME, S. I did not expect that it would be so good, extremely fresh and lively.

Champagne Salon 1988 : PAME, S. Great as usual, but gave me a special pleasure that time, at « les Ambassadeurs » of Le Crillon, with my wife.

Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1989 : PAME, S. Better than the 1990 and a little less than the 1986. It is an immense white.

Champagne Dom Pérignon 1993 : PAME, S, improves with time. Becomes more and more elegant.

Château Pichon-Longueville Baron 1904 : PAME, M. I did not expect this wine to be so lively. A really enjoyable wine. I adored it as I would never have dreamed such a performance.

Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1945 : PAME, M. Largely above the Léoville Las Cases 1945, it touches perfection.

Clos René Pomerol 1950 : PAME, M. I adore Pétrus 1950, but I did not expect a not highly ranked 1950 Pomerol to be so great and delicious.

Vega Sicilia Unico 1960 : PAME, M. It is certainly one of the greatest possible VSU drinkable now.

champagne Louis Roederer 1966 : PAME, M. Absolutely adorable, ands largely above the Salon 1982. Immense champagne full of sexy appeal.

Champagne Taillevent (Deutz) rosé 1988 : PAME, M. A taste that I would never have imagined.

Champagne Bruno Paillard Nec Plus Ultra 1990 : PAME, M. I did not know this champagne and I had a nice surprise.

Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1991 : PAME, M. More and more I love this champagne of a great charm. I expected that it performs, but it surprised me.

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1995 : PAME, M. A bomb of pure pleasure.

Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996 : PAME, M. It is what I expected, which means glorious, but it was even more than that. The total luxury.

Chevalier-Montrachet « la Cabote » Bouchard Père & Fils 2000 : PAME, M. I am in love with La Cabote. So, even if I was expecting its glory, I was touching paradise.

Château Lafite-Rothschild 1900 : PAME, L. I took for a try one of the low levels of this wine. It was wonderful, racy, noble, and I did not expect that much.

Clos des Lambrays 1915 : PAME, L. I did not wait for such a strength and a real emotion. A unique wine, having the grace of 1915.

Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1953 : PAME, L. I am in love with such a genrous champagne, with an incredible length. Living, lively, complex, this champagne

Clos de la Roche Grand Cru Domaine Armand Rousseau 1999: PAME, L. I fell in love with this wine, full of a feminine soul and purity.

Corton Cuvée du docteur Peste Hospices de Beaune Protheau 1953 : PAME, XL. An immense wine that I would never have imagined. I voted for it as first in one dinner.

Hermitage L. de Vallouit 1978 : PAME, XL. I would never had bet that such a wine could perform so well. Of a great year, it was of a great and opulent generosity.

Château Sigalas-Rabaud 1896 : PAME, XXL. I was expecting to drink a Guiraud 1904 (written on a small label), and the cork said SR 1896. A purely great Sauternes full of grace and life.

Château Laroze Saint-Emilion 1947 : PAME, XXL. I would never have thought that this wine could perform so ideally.

This report shows that for some very old wines I am impressed by their performance. But the repartition between great and bad surprises is normally balanced.

les « anti-voeux » de François Simon dimanche, 11 janvier 2009

François Simon,  dans le Figaro du 10/01/09 présente ses vœux sous le titre « Nos antivoeux les plus sincères ».

Ce papier plein d’esprit m’a donné l’idée d’ajouter mes propres idées.

1 – Le choix des pains. François s’insurge contre cette manie de proposer huit pains différents, alors qu’un seul bon pain ferait l’affaire. Je suis de son avis, d’autant que la cérémonie du pain prend un temps considérable quand on voudrait parler avec ses convives. J’ajouterai à cela la même manie pour les beurres. Et, ce qui m’importune le plus, de loin, c’est le choix des cafés. Lorsque l’on discute avec ses amis, devoir lire une carte des cafés avec des explications sur les vertus de chaque haut-plateau inaccessible, c’est franchement insupportable.

2 – La gastronomie à quatre chiffres. François est dans son rôle quand il fustige les additions stratosphériques. Le passage à l’euro a désinhibé les restaurants. Qui aurait pu mettre des plats à plus de 1000 F sur une carte ?

3 – Les billes de betterave. François fustige les légumes à la mode. Il n’aime pas la betterave. Personnellement, ça ne me gêne pas tant que cela. La betterave est un légume au goût très fort, dont il ne faut pas abuser, car il n’est  pas l’ami des vins.

4 – Les desserts d’artistes. C’est vrai que les desserts qui se veulent visuels avant d’être goûteux, ça m’énerve aussi, car le palais est chaviré. Il m’est très difficile de faire passer l’idée que pour les vins, il ne faut pas un dessert d’artiste, mais un goût. La volonté de montrer le talent du pâtissier est trop forte.

5 – Les rythmes de grand-messe. François aimerait moins de chichi. J’avoue que le chichi ne me déplait pas. Ce qui m’agace, c’est de devoir attendre quand ce n’est pas nécessaire.

6 – Les amuse-bouche. François serait pour leur suppression totale. Je ne suis pas d’accord. Mais j’aimerais que l’on introduise une nouveauté. Il faudrait que lorsque l’on s’assoit à table, quelqu’un vienne demander : « seriez-vous sensible au fait de commander votre vin dès maintenant, pour que le vin ait le temps de s’oxygéner ? ».

Dans ce cas, selon le choix du vin du client, un amuse-bouche simple, adapté au type de vin permettrait de bien commencer le repas. L’amuse-bouche est souvent considéré comme la carte de visite du chef. Il annonce son niveau de dextérité. Alors qu’un amuse-bouche considéré comme un prélude au goût du vin serait nettement mieux.

De plus, contrairement à François Simon, je ne tiendrais pas longtemps sans amuse-bouche. Je préfèrerais qu’on enlève le « pré-dessert ».

7 – Le plat star, le client en otage. Ce qui est effectivement agaçant, c’est d’entendre un jeune serveur qui vient expliquer la composition du plat. Il annone un texte appris par cœur, qu’il récite en mangeant ses syllabes. Il ne faut surtout pas lui demander de répéter, car il s’embrouille.

8 – Les vins sans esprit. L’observation de François Simon rejoint la mienne. L’explosion des prix a conduit les sommeliers à rechercher des vins moins chers. Mais dans leur recherche, je trouve qu’ils sont allés vers « ce qui peut plaire », plus souvent que vers « ce qui représente l’appellation ». Et leurs découvertes ne m’excitent pas tant que cela, car il y a trop souvent la recherche de l’originalité plus que de l’authenticité.

9 -Le Michelin va-t-il se réveiller ? C’est là où je diffère le plus de François Simon. Il considère le Michelin comme ringard et convenu. Si l’on cherche un scoop, il y a mille revues qui véhiculent l’information de la découverte des talents. Ce que j’attends du Michelin, c’est la solidité intemporelle du jugement. Que François réclame plus d’objectivité, je le comprends. Mais il faut que le guide Michelin reste une institution et ne devienne pas une girouette.   

A la liste de critiques de François Simon, j’aimerais ajouter les miennes :

10 – les mignardises. Pour diverses raisons, on peut refuser le dessert et demander un café. Pour certains, les mignardises à profusion seront un bonheur. Mais pour d’autres, ce sera le péché de gourmandise que l’on voulait éviter.

11 – le moment de la commande des vins. J’ai abordé ce sujet ci-dessus. Il faut que le choix soit offert le plus tôt possible.

12 – les bavardages excessifs. Pourquoi ne pas donner, pour les plats les plus complexes, des petits cartons explicatifs, que l’on lit si on en a envie, plutôt que d’écouter un énoncé qui tombe toujours au plus mauvais moment.

Mais j’aimerais ajouter une remarque fondamentale. Nous avons actuellement une richesse de chefs de talents, véritables artistes, qui créent des recettes ou interprètent des recettes classiques de la plus belle façon. Et la variété des tendances est spectaculaire. Je suis prêt à payer leur talent, à accepter un certain décorum, même si parfois, c’est vrai, c’est un peu suranné. Ce que je ne supporte pas, c’est de donner des marges sur les vins qui ne devraient jamais exister à ce niveau si les restaurants avaient une gestion de cave à long terme.

Le bilan de tout cela est quand même largement positif, car les grands restaurants, visés particulièrement dans ce billet par François Simon, nous offrent des plaisirs rares. Des petits ajustements sont souhaitables, mais le plaisir est là.