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Chine 4 – dîner exploratoire à la Maison Boulud de Pékin mardi, 10 mars 2009

Dans mon programme, un dîner à la Maison Boulud doit me permettre de continuer à appréhender la cuisine de Daniel Boulud et Brian Reimer. Desmond s’est inséré dans ce programme en m’annonçant qu’il vient dîner avec moi. L’avoir pour moi tout seul est un privilège que je ne vais pas refuser. Lorsque j’arrive avec vingt minutes d’avance, Desmond est déjà au bar en grande conversation avec Daniel Boulud. Nous nous serrons la main, le chef et moi, car nous ne nous sommes jamais rencontrés, alors que nous avons passé des heures au téléphone pour la mise au point des menus des deux dîners. Nous bavardons. Daniel raconte la Paulée de New York pour laquelle il a fait avec des chefs dont Michel Troisgros la cuisine pour quatre cent personnes, événement où la débauche de grands vins est unique. Nous évoquons les deux dîners, le premier avec des membres officiels du gouvernement chinois et quelques importants entrepreneurs, et le second qui regroupe quelques participants du premier dîner, cette fois avec leurs épouses. Desmond ne souhaite pas de couverture presse pour respecter l’intimité des participants. Desmond trinque avec moi sur un champagne Perrier-Jouët rosé qui rafraîchit mais émeut peu. Daniel nous quitte pour aller en cuisine malgré son jet-lag.

Nous passons à table dans la belle salle à manger à la hauteur de plafond impressionnante et à la décoration moderne et colorée. Pour accompagner le repas multiforme je suggère un champagne Egly-Ouriet d’une cuvée spéciale 1998 dont j’ai oublié le nom. Ce champagne est délicieux, au goût fumé et expressif, et se comportera bien sur tous les plats. Examiner les plats quand je parle avec Desmond qui est passionnant n’est pas le même exercice que ce midi, car l’attention n’est pas la même. Mais j’ai pu constater que le repas est tout autre. Au déjeuner, tous les plats jouaient sur la finesse et la subtilité. Ce soir, c’est plus viril et les plats jouent sur l’affirmation de soi. Est-ce dû à l’arrivée de Daniel Boulud ? J’aurais tendance à le croire mais Daniel vint en fin de soirée nous saluer et nous dit qu’il s’est occupé d’un dîner de cent personnes au premier étage plutôt que de nous. Comme il est normal, le chef gère aussi ses intérêts.

Les amuse-bouche sont un peu moins percutants que ceux du midi. Un potage ne sera jamais un vrai partenaire des vins, car il assèche la bouche par compensation. Une composition à base de foie gras me conduit à faire une remarque à Brian Reimer : les oignons confits se justifient si le plat est envisagé pour lui-même. Mais comme nous visons l’intérêt du vin, il faut surtout ne pas les mettre, car l’équilibre se trouve avec le vin et non pas avec l’insistance acide des oignons.

Le thon rouge en pavé est délicieux mais sa barde de lard est trop fumée. Il faut qu’elle soit adoucie. Le pigeon est parfait. La chair la plus magique est celle du cochon de lait cuit quinze heures à basse température. C’est divin. Aussi faut-il encore supprimer les légumes acides qui contrebalanceraient le gras velouté de la chair si l’équilibre ne se trouvait pas naturellement par le vin lui-même. Les desserts sont techniquement parfaits mais une fois de plus, il faudrait des goûts plus que des desserts, ce que j’explique à Brian Reimer souriant, qui a l’intelligence d’écouter.

Pendant que nous mangeons, Desmond me parle de sujets fascinants. Avec l’INSEAD de Fontainebleau dont il est issu (il aurait fallu filmer les mimiques et le temps qu’il m’a fallu pour qu’enfin je comprenne qu’il parle de Fontainebleau et d’INSEAD, car la prononciation en anglais d’un chinois de ces deux noms est exotique), Desmond a participé à une mission d’études de 25 anciens de cette école dans les bidonvilles de Bombay. Une femme qui travaille le textile à domicile gagne quatre dollars par mois. Dans le même temps, un richissime indien se fait construire un palais qui coûtera un milliard de dollars. Cela choque Desmond qui par ailleurs est très engagé dans des opérations de charity business. De même, sur un bidonville d’un million de personnes, il pense qu’un tiers des gens n’ont pas de cartes d’identité et peuvent donc mourir sans que quiconque sache ce qui est arrivé. Nous avons ainsi parlé de démographie sujet qui m’obsède depuis plus de trente ans et que je vois partagé par cet ami chinois de juste quarante ans, d’évolution des pouvoirs respectifs de la Chine et de l’Inde, et de l’évolution du monde. La confrontation des analyses est extrêmement enrichissante.

Desmond est amusant, car il voudrait remplir mon calendrier comme on remplit le paquetage au service militaire : en le bourrant. Si j’ajoute tout ce qu’il veut que je fasse, vingt-quatre heures par jour ne suffiront pas. C’est Desmond qui paie la note du restaurant, ce qui est élégant. Il me raccompagne à mon hôtel. Demain, je vais visiter la muraille de Chine et la cité interdite. Avant de me coucher je lis le « China Daily » qui donne des perspectives riches sur la façon de penser la politique et l’économie du plus grand pays du monde.

Je m’endors avec l’avidité d’en savoir plus sur un monde nouveau qui vivra peut-être une immense épopée.

Chine 3 – déjeuner de repérage à la Maison Boulud mardi, 10 mars 2009

Si le bonheur doit démarrer, ce ne sera pas ce matin. Il fait tellement chaud dans ma chambre que je décide avec un mâle courage de déclarer à la réception : « soit vous me procurez une chambre plus fraîche, soit je change d’hôtel ». On me promet une autre chambre et l’on me demande de faire mes valises. C’est à peu près le seul moment où je suis content que la plus grosse de mes deux valises n’ait pas encore été livrée.

Il fait beau aussi vais-je en marchant jusqu’à la Maison Boulud. Il n’y a rien de tel pour s’imprégner des mille petits détails qui font mieux connaître une ville. Les contrastes sont à tous les coins de rue. La Maison Boulud est sur une place carrée où cinq immeubles carrés eux aussi appartenaient à l’ambassade américaine. La Maison Boulud est située dans l’un des cinq immeubles, celui de la résidence de l’ambassadeur. Quand j’arrive, il y a un long tapis rouge déroulé devant la porte. C’est pour la Bank of China de Pékin qui vient de créer une carte de paiement de prestige et l’inaugure avec de riches clients en ayant réservé tout le lieu. De sculpturales hôtesses distribuent des orchidées qui servent de badge pour montrer le niveau social de l’invité. Les hôtes de marque sont priés d’apposer leur signature sur un grand panneau mural au nom de la banque. De jeunes artistes feront un intermède entre des discours. Je me rends au  bar où une marque de valises (vous voyez l’allusion) présente ses modèles. Ailleurs, de jolies chinoises se maquillent entre elles, sans doute en prévision du show. Je suis rejoint par le chef Brian Reimer qui est américain et cuisine en ce lieu sous l’autorité de Daniel Boulud. Souriant, jeune et dynamique, pratiquant un français très correct, Brian me montre qu’il a bien intégré la démarche de mes dîners. Vient ensuite auprès de moi le sommelier Koen Masschelein, d’origine belge, qui a fréquenté de grandes maisons comme Les Crayères et le George V. Jeune et dynamique aussi, il se prépare avec motivation à la gestion des deux dîners.

L’agitation étant au rez-de-chaussée, ma table est installée dans une très belle salle intime, décorée avec goût comme toute la Maison Boulud, où le modernisme et les choix de couleurs donnent une image tonique, dynamique et puissante. C’est alors qu’arrive Ignace Lecleir, directeur du lieu, lui aussi tonique et souriant. Mon repas est destiné à m’imprégner du style de Daniel Boulud et à faire d’éventuelles remarques sur les plats. Je ne boirai que de l’eau.

D’agréables et discrètes serveuses me proposent du pain et posent une assiette de cinq petits amuse-bouche. Les goûts sont directs, clairs, variés, joyeux et rassurants. Ils ont suffisamment de variété pour qu’un champagne se régale à leur contact. L’huître en gelée d’algues avec quelques grains de caviar est parfaite. L’iode se détache, l’huître a un goût très pur. Ce plat est un compagnon idéal pour un grand champagne.

Le thon blanc mariné à la carotte et au citron vert, remplacé ici par un poisson voisin car le thon blanc n’arrive que demain est délicat et subtil même si le citron est présent. Il ira bien avec un champagne. Cette cuisine est extrêmement subtile.

Les coquilles Saint-Jacques posées sur une purée de céleri et accompagnées de dés de céleri et d’un jus de poule jouent sur des saveurs d’un charme raffiné. La coquille est doucereuse et charnue, naturelle et le céleri met en valeur sa fraîcheur. C’est un plat d’une grande élégance. L’équilibre et la pureté caractérisent ce plat qui est épuré et fin comme la calligraphie chinoise. Le pigeon aux navets se présente en deux cuissons. La chair du magret est cuite avec exactitude mais elle n’est pas très expressive. La patte est dans une petite farce enrobée d’une feuille de brick. Les navets sont délicieux. Tout cela ira fort bien avec un beau vin rouge.

Le dessert au litchi est délicieux mais manifestement trop fort. Le litchi est prévu pour le riesling sélection de grains nobles. Il doit être suggéré et adouci. A revoir avec le chef en supprimant tout sorbet.

Koen est venu souvent demander mes commentaires. Après un bon café sur d’aimables madeleines, nous avons choisi les verres avec Koen et Ignace Lecleir m’a montré les possibilités d’emplacement de notre table ainsi que les formes de tables. Comme il est absolument nécessaire que je m’adresse à toute la table, j’ai choisi une forme ellipsoïdale qui nous conduira à être en salon privé plutôt que dans la salle du restaurant.

Je suis allé en cave vérifier mes vins. Ils sont tous en bonne forme, le voyage de Paris à Pékin semblant ne pas les avoir traumatisés.

Le tamtam fonctionnant déjà, une maison de ventes aux enchères de vins de Hong-Kong sait tout ce qui se passera. Le jeune agent de cette maison me raccompagne à mon hôtel, à pied d’abord car les rues alentour sont fermées : se tient aujourd’hui un congrès du parti communiste chinois. Sécurité oblige, la présence militaire est plus importante que d’habitude.

Je rentre à mon hôtel où m’attend une nouvelle chambre à la température himalayenne, ma valise manquante arrive aussi. Ce soir je dîne avec Desmond. Un sourire, le mien, se lève enfin sur Pékin.

Chine 2 – arrivée à Pékin et premier jour lundi, 9 mars 2009

L’avion traverse des régions enneigées et désertiques. Il arrive à Pékin par un temps ensoleillé. Les valises tournent sur un carrousel et jamais je n’aurais soupçonné qu’il en eût tant. Le suspense de l’attente des valises est quasi insoutenable et je me rends compte que je ne suis pas fait pour ce stress. Un homme apparemment responsable annonce que toutes les valises ont été déchargées. Je m’inquiète. Quelqu’un me demande mon nom et me dit qu’il figure sur le tableau des bagages perdus. Comment peut-il être déjà inscrit ? J’apprends que la valise n’est jamais partie de Paris, ce qui fait que Pékin a été prévenu. Le responsable des objets perdus m’indique que ma valise sera livrée demain. C’est celle qui contient tous mes vêtements.

Le fils d’un autre ami d’enfance, consultant d’entreprises à Pékin m’a dépêché un chauffeur pour me conduire à l’hôtel, attention que j’apprécie. Lorsque je vois l’affichette à mon nom, j’ai envie de m’épancher sur la perte de ma valise mais le chauffeur ne parle que le chinois. Il me dépose à l’hôtel et lorsque je me présente, on me dit qu’il n’existe aucune réservation à mon nom. Pour prouver l’erreur de la réceptionniste, il me faut ouvrir mon ordinateur portable. Et c’est là qu’il choisit de s’ouvrir deux fois en mode erreur, rendant la tension au comptoir encore plus piquante. Lorsque le mail de confirmation s’affiche, la jolie jeune fille me dit que mon hôtel se situe dans le building d’à côté. Je pense immédiatement à ma valise, car si elle apportée elle aussi au mauvais endroit, je vais passer ma semaine avec des sous-vêtements couleur isabelle.

Un bloc plus loin, une fois les formalités faites, je rentre dans ma chambre. Il y fait une chaleur de sauna. Mon ordinateur se branche sur la connexion câblée de l’hôtel et je constate que si je reçois bien des mails, il n’est pas possible de leur répondre. Au bout de quelques minutes, ma chambre ressemble à la Gare de Lyon un jours de congés d’hiver car on compte : deux informaticiens pour ma connexion internet, un spécialiste du chauffage qui se révélera aussi inefficace que les informaticiens, et une charmante jeune fille apparemment peu farouche puisque l’ayant appelée pour donner au pressing le seul linge que je porte, elle n’éprouve aucun besoin de faire semblant de ne pas regarder lorsque je lui donne les seuls accessoires vestimentaires que j’avais.

En attendant le retour du pressing, je prends une douche, car le trajet en avion en a décuplé l’envie. La pomme de douche est aussi large qu’un parasol, ce qui exclut de jouer les planqués pour passer entre les premières gouttes froides. Par un caprice de la nature, il faut cinq minutes pour que l’eau commence à se réchauffer, l’immeuble n’ayant sans doute pas de circulateur d’eau chaude. Ce moment d’éternité fait réfléchir à la condition humaine. Quand le corps est humide et que l’on se prépare à se savonner virilement, il est normal d’arrêter le jet de la douche. L’inventeur des pommes de douche trop larges devrait être écartelé par quatre chevaux Place de Grèves pour avoir inventé cette torture diabolique. Car une fois l’eau coupée, la pomme distille des gouttes qui font « floc floc » sur le crâne. De fidèles lecteurs pourraient penser que je fais une fixation sur les douches et ce n’est pas faux. Car dans les hôtels, on donne de la place en fonction du tarif choisi, mais l’espace réservé à la douche est riquiqui et l’appareillage, pour faire moderne, devient contraire au confort. Ce moment rare où l’on peut se croire l’égal d’un Caruso ou d’un Pavarotti devrait faire l’objet de tous les soins. Il semble géré plus comme une contrainte que comme un luxe. Combien de fois se pose-t-on la question de savoir où poser sa serviette pour qu’on puisse la saisir sans transformer la place en en une piscine ?

Mon linge revient, mais la jeune fille n’a pas fait laver mes sous-vêtements (je n’invente pas). Aussi vais-je acheter quelques chemises et sous-vêtements en attendant ma valise. La réception de l’hôtel me fait guider par un jeune groom de haute taille. Il est malin, car il me fait acheter avec des rabais que jamais je n’aurais envisagé de demander et il m’amuse car il essaie en permanence de me faire croire que tout me va. Il mémorise ostensiblement les chiffres secrets de ma carte bleue et plonge les yeux et les mains dans ma sacoche.

Je viens reprendre mes aventures informatiques. Celui qui s’annonce comme « l’ingénieur informatique » de l’hôtel m’a gentiment détérioré les fonctions de mon ordinateur ce que j’accueille avec une remarquable zen-attitude. Il est temps de rencontrer une femme chinoise chef d’entreprise et très entreprenante, accompagnée de deux de ses adjoints. Ses sociétés agissent dans le high-tech, mais elle a aussi formé un groupe de vente de vins rares au moyen de caves réparties sur Pékin et Shanghai. Le lien avait été créé par un ami banquier parisien qui travaille avec la Chine. Cette femme respire la volonté de gagner et commente la crise mondiale avec une hauteur de vue bien éloignée des analyses parisiennes où tout est vécu dans des atmosphères de guerres picrocholines. Nous avons envisagé ce qui pourrait créer des liens entre nos activités. Raisonner à l’échelle de la Chine bouleverse toutes les perspectives.

Remonté dans ma chambre, je constate que les rapetassages informatiques vont dans le sens du pire. Aussi bien pour la température dans ma chambre que pour l’informatique ou le débit de l’eau chaude, la bonne volonté de chacun est évidente. Le sourire est sur toutes les lèvres et l’envie de régler les problèmes. Mais l’envie, est-ce suffisant ? Une jeune réceptionniste venue rejoindre ma chambre, puisque c’est le théâtre des opérations sur une grande échelle, m’accompagne pour me faire choisir le restaurant de mon dîner. Mon choix se porte sur un restaurant japonais où mon repas frugal est accompagné d’une bière sèche. 

Quand je remonte dans ma chambre, un appareil de climatisation d’appoint fait le même bruit que les avions de ligne d’avant-guerre et, comme un discours fumeux, il brasse de l’air sans refroidir l’atmosphère.

L’accumulation de ces pépins annonce-t-elle un séjour de grand bonheur ? Je me plonge sous les draps sur cette interrogation.

La seule bonne surprise du lendemain matin : le petit déjeuner

 

Chine 1 – origines du projet et départ dimanche, 8 mars 2009

Les messages qui vont venir concernent un événement qui, je l’espère, va compter dans ma vie : aller faire des dîners de wine-dinners en Chine. Comme dans les films nous allons commencer par un flash back. Un de mes amis balladuriens, c’est-à-dire ami de trente ans, a plusieurs enfants dont un fils qui a mené dans mon entreprise des opérations de conseil. Travaillant à mes côtés, il voit les bulletins qui sortent de l’imprimante, et cela déclenche une forte envie de participer à ces dîners sur lesquels je dithyrambe. Nous faisons volontiers quelques accords de troc : je l’invite à certains de mes dîners ou bien il me commande des repas pour faire plaisir à ses amis ou à ses clients. Il travaille avec une société de conseil internationale et décide d’inviter des associés de ce grand cabinet. Les épouses participent, ce qui donne un caractère amical à la soirée où Eric Fréchon avait réservé pour nous seuls l’ensemble du restaurant d’été de l’hôtel Bristol.

L’événement a plu aux consultants invités puisque peu de mois plus tard ils me demandent de faire un dîner pour honorer l’un de leurs clients chinois. N’étant jamais allé en Chine, l’image du chinois pour moi est très directement liée à Tintin au Tibet et plus encore au Lotus Bleu d’Hergé. Il est assez probable que cette vision date. Quelle n’est pas ma surprise de voir un homme de haute taille, probablement autour d’un mètre quatre-vingt-dix, souriant, n’ayant probablement pas atteint la quarantaine, qui a l’aisance que confère la fréquentation des plus prestigieuses universités américaines ? Le dîner à la Grande Cascade se passe merveilleusement bien, comme si nous étions des amis de toujours, et Desmond, puisqu’il s’appelle ainsi, me demande d’organiser deux dîners pour lui à Pékin.

La gestation de ces événements fut particulièrement laborieuse. Avant mon départ, j’ai bien échangé plus d’un demi-millier de mails pour la mise au point, avec cette caractéristique étrange que le temps de réponse à mes mails fut aussi long que si un coursier marathonien avait porté chaque missive. On n’imagine pas comme la logistique de repas devient dix fois plus complexe lorsque personne ne répond. Rajoutons un décalage horaire de six ou sept heures, et l’on voit que rien n’est simple.

Desmond est un grand amateur de vins, qu’il achète notamment par l’entremise d’un courtier de Hong-Kong. Par précaution, Desmond lui a soumis les vins que j’avais choisi de lui proposer. Comme il fallait s’y attendre, Desmond venait de me fabriquer un adversaire, qui évidemment critiqua mes choix. Y voyait-il une possibilité de concurrence, je ne sais. Entre gens intelligents, les divergences se gommèrent très vite.

Desmond me demanda de faire appel aux services de Daniel Boulud, l’un des tout premiers chefs new-yorkais, qui vient d’installer une Maison Boulud à Pékin. L’idée était particulièrement séduisante et le contact s’est créé entre Daniel Boulud, son chef de Pékin Brian Reimer et moi. J’ai apprécié l’extrême ouverture d’esprit de ce grand chef avec lequel le dialogue fut immédiatement coopératif. Après plusieurs heures d’échanges téléphoniques, il me semble que nous tenons de beaux menus.

Plus que toute autre chose, c’est l’absence de réponse à mes questions qui me stressait. Aussi, pour mon plus grand malheur, ma femme décida de ne pas m’accompagner à Pékin, souhaitant que les plâtres soient essuyés, alors que j’attendais que nous découvrions ensemble ce monde fascinant d’une culture largement plus ancienne que l’européenne.

Toutes les pièces du puzzle s’assemblent petit à petit et me voici partant à Roissy pour Pékin. Pénétrer dans le salon d’attente des voyageurs de première classe ou de business class a un côté délicieusement Ancien Régime. On se sent faire partie d’une caste. Tout le monde est souriant, attentionné, et les belles résolutions de sagesse alimentaire tombent instantanément. Le buffet tend les bras et un champagne Deutz fort agréable est trouvé encore meilleur puisqu’il est bu dans des circonstances d’un élitisme assumé. Monsieur le bourreau, laissez moi encore une coupe !

Mais la tentation de pécher ne vient pas que de l’appartenance supposée à une classe. Car dans l’avion me trouvant assis non pas à côté de ma femme mais d’un quadragénaire habitué des voyages transcontinentaux, les conversations se nouent au point qu’il sera difficile de savoir lequel est le plus bavard des deux. Car mon voisin aime le vin et a vendu du vin dans une partie de sa carrière. Alors, quand il prend un whisky, je prends un whisky, et quand il prend du vin, je prends une bière, car à l’impossible nul n’est tenu : les vins d’Air France ne sont pas ma tasse de thé. Il prend un armagnac et je prends un cognac, croyant soigner un rhume sévère dans la débauche la plus folle.

Air France souhaite la bienvenue, sauf à ma valise. L’un des plats passe-partout du repas Air France

Meeting with American wine lovers jeudi, 5 mars 2009

Samantha and Trevor Sheehan report on the forum of Robert Parker about wines which sometimes are of a great rarity. I have always been very surprised that so young persons talk with such a maturity about wines which are the dreams of many wine lovers.

When I learned that Samantha and Trevor would visit France, the idea that we meet was formed after exchanging some messages. Trevor makes wine in California and Samantha sells wines in Dallas.

We should meet in the bar of Hotel de Crillon, a place which is nice and also very easy to reach as it is on Place de la Concorde.

I was waiting in the bar, looking at the entrance, and when I saw a very nice young woman, I knew immediately that she should be Samantha. Young and dynamic she comes to shake hand with a very lovely smile.

She has an accent and it is not so easy to understand her as she talks very rapidly. She explains something which I find very confused about her brother who has missed his plane, so she is alone to meet me.

Instantly, I become afraid. Should I be anxious for my virtue and my innocence if I sit there alone with a nice young woman who has certainly invented this story to be alone with me? I tried to behave (1)

The waiter of the bar puts on the table an ice bucket and shows the wine to Samantha. It is a Dom Pérignon 1966. Samantha asks me : “do they keep such a wine in their bar?”. And I must confess that I had brought this bottle with me. The colour of the wine is nearly orange pink. The taste is delicious and I am happy that Samantha likes such a particular taste, so far from the one of a young champagne. When she tells me that she prefers largely old champagnes, I am happy.

We talked and talked, finding so many wines that both of us we have tasted and so many people that we have met. I am impressed by the knowledge of such a young wine lover.

We talked and talked. We have examined how to create possibilities to drink very rare wines together.

What happened next? Morality commands that I don’t talk any more (1).

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(1) every allusion is purely invented.

I was happy to meet a very charming person. Do I regret that Trevor was not with us? May I confess that the answer is “no”.

liquoreux de prestige à Toulouse le 25 avril jeudi, 5 mars 2009

Michel Fauveau est un scientifique ami d’Yquem, que j’ai rencontré plusieurs fois au château d’Yquem.

Il organise une magnifique dégustation des plus grands liquoreux du monde en présence de ceux qui les font.

Il y aura les vins de Kracher, d’Yquem, de Fargues d’Egon Muller, un Tokaji de Hongrie et un Klein Constantia.

Les prospectus donnent des indications sur le programme, les prix et la façon de s’inscrire.

Pour les obtenir, envoyer un mail à : club oenophile du midi [Club.oeno.midi@orange.fr]

Je n’irai pas parce que je suis engagé à ce moment.

Michel Fauveau m’ayant demandé de signaler cet événement, je le fais bien volontiers.

Dessirier mercredi, 4 mars 2009

Dessirier était un restaurant de poissons où l’on mangeait de très bons fruits de mer. La décoration était particulièrement triste, comme dans 99% des restaurants de poisson, car une araignée de mer, un hublot, une tête de scaphandrier, un filet de pêche et un phare, voire une pagaie, ça n’a jamais vraiment été le must en matière d’art.

Depuis la reprise par Michel Rostang, la décoration passe un peu mieux. Elle est suffisamment discrète pour avoir l’intelligence de se faire oublier.

J’étais seul, peu motivé de déjeuner sur le pouce dans mon bureau, aussi ai-je fait une halte en cet endroit. La carte des vins n’est pas stupide du tout et j’ai repéré une ou deux pépites que j’ai l’intention d’aller assécher. Mais aujourd’hui, c’était Saint-Géron, eau minérale que j’ai beaucoup appréciée.

Au cas où je n’aurais pas compris que c’est la saison de la truffe, tout ici est fait pour me le rappeler. Alors, forcément, on cède. J’ai pris des œufs brouillés aux truffes. C’est goûteux, c’est attendu mais c’est bon. Ensuite, c’est une grosse tranche de cabillaud avec des tranches de truffe généreuses, et une purée de pommes de terre truffée. J’adore le cabillaud. Et ce qui est intéressant de constater, c’est que le plus bel accord de la truffe est avec la chair de cabillaud. Car la salinité naturelle du poisson excite parfaitement la truffe.

Le restaurant est assez cher, truffe oblige. Mais c’est une table où je me sens bien.