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les vins bus cet été – récapitulation jeudi, 1 septembre 2011

Je suis dans le sud depuis le 11 juin. Il est intéressant de voir tout ce que nous avons bu dans le sud sur cette période d’été qui finit.

Ce sont 104 vins qui ont été ouverts, dont 25 magnums et 79 bouteilles. Le champagne, car c’était ma volonté, est le grand gagnant, avec 44 flacons dont 23 magnums. Il est suivi de 36 vins rouges, 18 vins blancs, seulement 4 liquoreux, ce qui est logique du fait de la chaleur et 2 alcools.

Par région, on a 44 champagnes, 19 vins du Rhône, 14 bordeaux, 9 vins de Provence, 9 bourgognes, 6 vins étrangers, 1 vin du Sud-ouest et 2 alcools.

Voici les vins :

Champagnes :

Champagne Bollinger Grande Année 1990 – Champagne Bollinger Grande Année 1996 – Champagne Bollinger Spéciale Cuvée magnum sans année – Champagne Cristal Roederer rosé magnum 1999 – Champagne Dom Pérignon 1996 – Champagne Dom Pérignon magnum 1988 – Champagne Dom Pérignon magnum 1990 – Champagne Dom Pérignon magnum 1998 – Champagne Dom Ruinart 1990 – Champagne Dom Ruinart rosé 1988 – champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 – Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Henriot magnum 1996 – Champagne Krug Grande Cuvée – Champagne Krug Grande Cuvée sans année – Champagne Krug Grande Cuvée sans année – Champagne Krug Grande Cuvée ss A # 1985 – Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum sans année – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle vers 1970 – Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum ss A – Champagne Perrier Jouêt rosé 1966 – Champagne Perrier-Jouët rosé 1969 – Champagne Pierre Péters Cuvée Spéciale les Chétillons magnum 2002 – Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 – Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 – Champagne Roses de Jeanne, Pinot Blanc La Bolorée, Cédric Bouchard 2005 – Champagne Ruinart sans année – Champagne Salon 1982 – Champagne Salon 1997 – Champagne Salon 1997 – Champagne Salon magnum 1988 – Champagne Salon magnum 1995 – Champagne Salon magnum 1996 – Champagne Salon magnum 1997 – Champagne Salon magnum 1997 – Champagne Salon magnum 1997 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Brut 1979

Vins du Rhône

Condrieu Les Chaillées de l’Enfer Domaine Georges Vernay magnum 2000 – Hermitage Chave blanc 1983 – Hermitage Chave blanc 1989 – Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 2000 – Château Rayas Chateauneuf-du-Pape rouge 1988 – Chateauneuf-du-Pape « Cuvée Reservée » Domaine du Pégaü 1981 – Chateauneuf-du-Pape « Reserve des Célestins » Henri Bonneau 1981 – Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1999 – Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 2001 – Chateauneuf-du-Pape Domaine de Mont-Redon 1978 – Chateauneuf-du-Pape Les Olivets de Roger Sabon & Fils 1971 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1979 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 2000 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 2000 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1986 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1986 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 2000 – Côte Rôtie La Turque Guigal 2000

Les bordeaux

Château Haut-Brion blanc 1960 – Château Haut-Brion blanc 1970 – Château Haut-Brion blanc 1985 – Château Laville Haut-Brion 1967 – Château Laville Haut-Brion 1980 – Château Laville Haut-Brion 1982 – Château Climens 1962 – Château d’Yquem 1998 – Château Gilette Crème de Tête 1953 – Château Figeac 2001 – Château Mouton Rothschild 1967 – Château Pavie 1960 – Château Trotanoy 2001 – Château Trotanoy Pomerol 1999

Les bourgognes

Chassagne-Montrachet les Chaumées Olivier Leflaive 2000 – Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 – Meursault Charmes Domaine des Comtes Lafon 2002 – Puligny-Montrachet Louis Chevallier 1964 – Chambertin Clos de Bèze domaine Armand Rousseau 2002 – Chambertin F.Tortochot 1969 – Clos de la Roche domaine Dujac 1978 – Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Domaine Armand Rousseau 2001 – Pommard Epenots domaine Parent magnum 1969

Les vins de Provence ou sud Rhône

L’Angueiroun Côtes de Provence rosé 2010 – Château de Pibarnon Bandol rouge 2005 – Château Pradeaux Bandol 1996 – Château Sainte-Anne Bandol 1998 – Château Vannières Bandol 1983 – Château Vannières Bandol 1983 – Palette Domaine du Grand Côté 2005 – Terrebrune Bandol 1987 – Terrebrune Bandol rouge 2007

Les vins étrangers

Grüner Veltliner « Ried Lamm » Schloss Gobelsburg 1995 – Ilios, vin blanc sec de Rhodes 1987 – Kistler Durell Vineyard Sonoma Coast 2008 – Tokaji Eszencia Aszu 1988 – Vega Sicilia Unico 1965 – Vega Sicilia Unico 1989

Le vin du sud-ouest

Clos Joliette Jurançon sec 1974

Les alcools

Bas Armagnac Langeroy du Tiers 1985 – Single Cask Malt Whisky Karuizawa 1967

En regardant ces listes on s’aperçoit que nous avons bu surtout des valeurs sûres, des vins dits d’étiquettes, mais c’est voulu, car il faut choisir des climats plus tempérés pour faire des découvertes.

Je suis naturellement content d’avoir pu partager ces vins avec ma famille et mes amis.

Mais la cerise sur le gâteau, c’est que malgré ce programme assez massif, au moment de repartir à Paris, j’ai perdu 7 kilos !

Que demander de plus !

fondation Maeght et musée Bonnard samedi, 20 août 2011

Lorsque ma femme est allée voir notre fils à Miami, elle a rencontré un jeune galeriste à Palm Beach dans une foire d’Art Moderne du type FIAC. Elle a acheté un tableau d’un jeune peintre qui monte et le galeriste lui a signalé une des galeries de ses parents belges à Saint Paul de Vence. Nous y sommes allés et dans un gigantesque ensemble architectural des œuvres résolument modernes sont exposées. L’une a attiré mes yeux. Il s’agit de la cage d’un but de football dont le filet est remplacé par un vitrail ancien représentant un saint évêque croisant les mains ce qui pourrai laisser penser qu’il cache un ballon. Ailleurs c’est une armoire vitrée flamande qui de loin semble abriter de la porcelaine de Delft, avec des motifs aux variations de bleu sur fond blanc. On s’approche et ce que l’on a pris pour de beaux vases sont des bonbonnes de gaz et les belles assiettes décorées sont en fait des lames d’acier de scies circulaires. Etonnant, non, comme dirait Desproges.

Ma femme a demandé les prix des œuvres du peintre qui l’avait intéressé à Palm Beach, et en quelques mois, la cote à facilement triplé. Nous allons à la deuxième boutique des Pieters en face de la Colombe d’Or, puis nous nous rendons à pied par un soleil de plomb à la Fondation Maeght.

En pleine nature, l’ensemble immobilier conçu par un architecte catalan il y a cinquante ans frappe encore par son modernisme. Et l’on respire l’art pur, fou dans son abstraction, et l’on sent l’amitié qui devait lier les Maeght aux plus grands artistes du 20ème siècle. Cette immersion dans un art débridé et désinvolte est rafraîchissante.

Une amie nous avait suggéré : « ne ratez pas le musée Bonnard ». Ce qu’elle ne savait pas, c’est que mon père, qui peignait, avant une secrète adoration pour Bonnard.

Nous nous rendons au Cannet au musée inauguré il y a seulement deux mois, qui regorge d’œuvres de ce peintre atypique, coloriste de génie, qui cherchait la vérité dans la peinture d’objets ou d’instants d’une grande banalité. Car cette vérité il la voulait sans influence de la scène ou de l’objet.

C’est cette recherche de la vérité par le trait et la couleur qui est assez fascinante. Alors que ma femme ne mordait pas, je vibrais comme par filiation, sentant les émotions que devait éprouver mon père.

Nous sommes ensuite allés en fin de visite regarder un film très complet sur Bonnard qui explique de façon déterminante sa recherche, son évolution, et les choix de sa vie. Ce film est fondamental pour comprendre ce grand peintre qui n’a pas la renommée qu’il devrait avoir. Ma femme a complètement revu sa perception du peintre. Nous reviendrons !

Du groupe des Nabis, il a côtoyé les plus grands peintres mais aussi Mallarmé dont la recherche avec des mots a beaucoup de points communs avec sa recherche par les couleurs.

Cette bouffée d’art, ça fait du bien !

Part des Bordeaux dans les vins rouges que j’ai bus vendredi, 5 août 2011

Poussé sur ma lancée, j’ai regardé si dans les rouges, la part des Bordeaux diminue, notamment du fait des prix. Et ça donne :

2002 – 2006 : 46% Bordeaux, 28% Bourgogne, 11% Rhône, 15% autres.

2007 – 2011 : 38% Bordeaux, 35% Bourgogne, 15% Rhône, 11% autres.

C’est très net que Bourgogne et Rhône sont les grands gagnants en progression sur la période récente. Ils faisaient ensemble 7 points de moins que Bordeaux (39 contre 46) et ils font 12 points de plus (50 contre 38) !

Le goût peut jouer, mais l’aspect budgétaire a certainement fortement joué.

mon amour pour les champagnes et de plus en plus les vieux jeudi, 4 août 2011

Il est indéniable que de plus en plus pour moi, le vin de l’été, c’est le champagne. Et de plus en plus aussi, en magnum, car une bouteille se vide extrêmement vite.

J’ai eu la curiosité de regarder si mon amour croissant pour le champagne est une tendance de fond.

J’ai analysé mes statistiques et j’ai comparé deux périodes : de 2002 à 2006 et de 2007 à 2011 (fin juin).

Le compte est fait de bouteilles que j’ai bues, sans tenir compte de la quantité bue d’une bouteille, ni de leurs formats. C’est donc le nombre de flacons auxquels j’ai eu accès, dont j’ai bu une quantité variable.

Voilà ce que ça donne en % de vins bus :

2002 – 2006 : 49% de rouges, 24% de blancs, 14% de champagnes et 13% de liquoreux.

2007 – 20011 : 48% de rouges, 18% de blancs, 23% de champagnes et 11% de liquoreux.

La progression des champagnes est donc très importante, le pourcentage augmentant de 9 points au détriment des blancs -6 points, des liquoreux -2 points et des rouges -1point.

Deux explications possibles :

– l’âge, car la digestibilité des champagnes est supérieure à celle des blancs

– le phénomène prix, car en recherche d’excellence, les meilleurs champagnes, sauf exception, sont moins chers que les meilleurs blancs : rares sont les champagnes plus chers que les Corton Charlemagne de Coche Dury ou les Montrachet DRC (cet argument vaut moins pour les liquoreux).

Mais je crois que la raison majeure est la progression de mon amour des champagnes anciens. Ainsi, sur les 14% de champagnes (par rapport au total), il y en avait 3% d’avant 1984 et 11% d’après 1983.

Alors que sur les 23% de la période récente, il y a 8% d’avant 1989 et 15% d’après 1988.

Sur les 9 points de progrès des champagnes, 5 sont dus à des champagnes anciens.

Donc âge, prix des vins et surtout meilleure connaissance des champagnes anciens a fait progresser mon amour pour les champagnes.

Bernard Pivot cite « Audouzer » dans « Les mots de ma vie » samedi, 30 juillet 2011

A la définition de Néologismes, B.Pivot dans son nouveau dictionnaire, introduit ce mot :

Audouzer : déboucher une vieille bouteille au moins quatre heures avant de la boire.
De François Audouze, collectionneur de vins très vieux, de bouteilles mathusalémiques, qui les propose à la dégustation après un minutieux et savant rituel. « Il faudrait audouzer nos beychevelle 28. » (Bernard Pivot, les mots de ma vie).

Le mot « audouzer » est en fait né sur le forum de Robert Parker, après que j’ai exposé la méthode que j’utilise, qui a donné lieu à des discussions épiques.
Au bout d’un certain temps, les témoignages confirmant l’intérêt de ma méthode sont devenus plus nombreux et un membre du forum a dit un jour :
« 
I have audouzed my wine« .
Et cette expression est restée, et j’ai trouvé cela plutôt sympathique.

Ayant une admiration profonde pour Bernard Pivot, je l’ai invité à un dîner, et il a apporté un magnum de Beychevelle 1928 délicieux, ce qui veut dire que sa citation n’est pas le fait du hasard :

« Tout de go Bernard Pivot me dit qu’il attend avec impatience de lire le compte-rendu de ce dîner, car il est différent de lire les aventures que l’on vit. J’écris donc ce texte avec l’angoisse d’être jugé par celui qui a côtoyé tout ce que la littérature a produit de meilleur. Bernard est étonné que je ne prenne aucune note. Nous abordons maintenant son vin, le Château Beychevelle en magnum 1928. La couleur est belle, d’un rouge de grande jeunesse. Le vin est à peine trouble. Etant servi en premier, je suis sensible à une petite acidité dont j’espère, chacun s’accommodera, pour ne pas passer à côté du beau message. Le vin est velouté, rond et joyeux, et l’accord avec le lourd jus truffé est gourmand. L’acidité disparaît vite. Bernard qui n’est pas familier des vins de cet âge constate que son vin n’est pas bu « post mortem » mais bien vivant. La pureté du chatoiement du vin est un plaisir que je prolonge en buvant la lie. »

(le récit complet du dîner où ce Beychevelle 1928 fut bu est ici : http://www.academiedesvinsanciens.org/archives/1987-120eme-diner-de-wine-dinners-au-restaurant-de-la-Grande-Cascade.html )

La mention de Bernard Pivot dont je suis le plus fier, et c’est ce qui a justifié que je l’invite, c’est celle qu’il a faite dans le dictionnaire amoureux du vin, où il dit que je suis le Bossuet des vieux flacons. C’est un compliment dont je suis fier.

La mûre, toujours la mûre lundi, 18 juillet 2011

La mûre, toujours la mûre

La mûre est certainement le fruit le plus intelligent que je connaisse.

Les premiers fruits noirs sont apparus, le long de ma balade quotidienne, vers le 4 juillet. La majorité des ronces avaient leurs baies encore vertes, et certaines avaient même encore leurs fleurs, mais un bouquet de ronce, contre toute attente, avait quelques baies noires.

Contre toute attente, pourquoi ? Parce que quand j’étais un petit bonhomme passant ses vacances dans la Manche, à portée de vue du Mont Saint-Michel, les ronces ne donnaient des fruits noirs qu’à la fin août ou en septembre, à la fin des vacances.

Chaque jour, je viens picorer à ce groupe de ronces, qui a l’intelligence de garder des baies vertes, des baies rouges, et de m’offrir quelques noires, la juste provision de force pour la marche, sachant que je peux compter sur des rouges ou des noires claires pour être noires et mangeables demain.

Rares sont les arbres ou arbustes fruitiers dont la maturité des fruits s’étale autant dans le temps. Je sais que dans la zone que je longe pendant ma marche, j’aurai sans doute une dose équilibrée quotidienne pendant un mois et demi. Quelle intelligence ! Quelle générosité.

La mûre, c’est aussi une école de philosophie. Lorsque les baies seront bien mûres, grosses et grasses, ce sont toujours celles qui sont inaccessibles car trop hautes ou trop enfoncées dans l’entrelacs des branches piquantes qui seront les plus belles. Est-ce que ça ne ressemble pas au vin ?

La mûre forge aussi nos comportements ou en est le miroir. Sur mon chemin, je ne suis pas le seul marcheur. Voici une belle mûre. Elle pourrait être parfaite demain. Mais je sais que si je la laisse grandir encore pour la cueillir demain, un promeneur l’aura prise avant moi. Alors, je mange mes mûres trop jeunes, de peur de ne pas les retrouver demain. Est-ce égoïste ? L’expérience m’a montré que comme dans la fable du héron de La Fontaine, attendre trop c’est perdre tout.

Vive la mûre, j’aime la mûre, car sa générosité quotidienne est d’une intelligence rare.

Parlez moi de mûre, redites-moi des choses tendres….

quelques bordeaux rouges de 1967 vendredi, 15 juillet 2011

Une discussion ayant eu lieu sur un forum au sujet des bordeaux rouges de 1967, j’ai recherché ce que j’avais bu. Voici les quelques vins que j’ai bus, avec des résultats variés, des échecs comme Mouton mais des belles résussites comme Pétrus :

Les Bordeaux avaient été choisis dans un registre de discrétion. Le Ducru Beaucaillou 1969 a montré de très belles qualités, assez généreux alors que le Figeac 1967, d’une structure plus noble, gardait un peu de réserve. Pour des vins de subtilité, la truffe a réveillé le message.

le Pétrus 1967. Pétrus est « la » réussite du millésime 1967. Très caractéristique de Pétrus, avec cette concentration, cette puissance, mais aussi ce coté ascétique volontiers trop sérieux. Un grand vin porteur d’émotion par la légitimité du symbole

Le Château L’Evangile à Pomerol 1967 avait la beauté des Pomerol, la jeunesse d’un vin des années 70, et une discrétion propre à l’année 1967. Ce n’est pas un vin qui en montre trop, mais c’est un vin orthodoxe, tranquille (sans être un vin tranquille !), gentil Pomerol plein de satisfactions.

Les deux Bordeaux se complétaient à merveille. Le Palmer 1964 tout en rondeur, délicieusement séducteur, et l’Ausone 1967, plus réservé, mais dévoilant ses charmes progressivement, comme dans la danse des sept voiles. Le Palmer 1964 confirme une nouvelle fois qu’il est une réussite de cette année qu’on aurait bien tort de classer trop vite dans les années âgées. Et l’Ausone me ravit toujours par sa complexité. Mais j’aimerais bien en ouvrir un qui se défroque, qui s’encanaille, qui se dévergonde.

La sole était belle, mais son épaisseur étouffait un peu un vin grandiose : Château Margaux, 1er GCC 1967 qui est une réussite exceptionnelle. Il est beau, il est rond, il a la féminité triomphante de Margaux, et, sans qu’on ait besoin de créer de compétition, on sait qu’il rivaliserait avec les plus beaux millésimes de ce vin de légende. Imaginer qu’un Margaux de cette classe s’acoquine aussi bien avec des coques qui le dissèquent est un plaisir immense pour moi.

Sur le volatile admirablement préparé, le Meyney 1967 en double magnum s’accorde parfaitement. Le vin est en pleine forme, sans trace d’âge, il tiendra une place plutôt étonnante et flatteuse auprès des grandes vedettes qui suivent. En revenant au nez sur ce verre, on voit que le Meyney a une plénitude qui mérite le respect. Il y a deux classes de convives : ceux qui sont nés à Bordeaux (ou la région) et les autres. Les bordelais savent manger avec les doigts et croquer les os. Leurs assiettes se vident entièrement. Les autres plus timorés mangent avec couteau et fourchette et s’en tiennent à la seule esquisse de l’oiseau.

Le Pétrus servi dans des verres Riedel étale un parfum d’une concentration infinie. Chacun comprend qu’il est en face d’un chef d’oeuvre, et je crois bien que c’est le meilleur Pétrus 1967 que je n’aie jamais bu. L’accord avec le turbot est d’une délicatesse et d’une précision extrême. C’est là que l’on comprend que la cuisine et les vins sont faits pour créer des harmonies de rêve. J’ai essayé Pétrus 78 sur des rougets tout récemment, et là un 67 avec un turbot. C’est vraiment le bon chemin. La perfection de ce Pétrus 1967 a enthousiasmé toute la table.

Mouton Rothschild 1967. Vin un peu fatigué, sentant la terre à l’ouverture, qui a offert des variations énormes de goûts. Chaque fois qu’il était sur un plat, il vivait : sur de délicieuses huîtres avec de l’épinard traité en condiment, il délivre la subtilité d’un vin léger de grande race. Sur le turbot aux truffes, il devient opulent. Entre les plats, c’est un vin morose et fatigué. Puis, petit moment rare que j’apprécie, ce qui est dans le fond de la bouteille donne toute la concentration de l’intelligence de ce vin fatigué certes, mais de grand talent. Alors, éternelle question, faut-il boire ces vins à la fatigue réelle, mais qui ont de si belles lueurs ? Je suis plutôt favorable à ces essais, car les fulgurances même passagères sont dix fois plus gratifiantes que la constance monotone d’un honnête vin. Vaste sujet.

Sur la truffe entière en feuilleté, le château Meyney 1967 en double magnum était exactement ce qui convenait. Car le plat a une puissance énorme et ce Saint-Estèphe a des arguments de poids pour l’équilibrer. Très jeune encore, expressif, puissant, il a cette belle acidité qui convenait à la sauce lourde et au fumet envoûtant du beau caillou noir.

Le Château Haut-Brion 1967 est très élégant malgré des signes d’âge. Charmant, civilisé, c’est un message romantique qu’il délivre.

le Château Taillefer Puisseguin Saint-Emilion 1966 et le Château La Louvière rouge 1967 n’ont pas des trames très solides. L’âge les a ‘dentellisés’, et leur goût éphémère laisse peu d’empreinte.

Le Château Lafite Rothschild 1955 au beau niveau dans la bouteille a une très jolie robe et un nez bien dessiné. Le Château La Conseillante 1955 a un nez magique. Le Lafite est possible sur le pigeon mais c’est La Conseillante qui ramasse la mise, tant il est brillant. Il n’en va pas de même du Château Latour 1967 qui a un goût de civette selon mes voisins. Il est plutôt, tout simplement, bouchonné pour moi. Il est âcre en bouche. Le Lafite ne tourne pas à plein régime, le Latour est au ralenti avec un final qui me dérange. Seule La Conseillante offre ce qu’on peut attendre d’un grand Bordeaux d’une année que j’adore.

Le Château Léoville Poyferré 1967 est beaucoup moins détendu. Il arrive assez froid, contracté, et il faut la belle chair de la lotte aux morilles pour qu’il prenne des couleurs et devienne sociable. Il devient confortable, plaisant, sans grande complexité.

Pétrus 1967 montre sa différence. Ce vin est féminin et tout en séduction. Il y a du velouté, du discours en catimini, de la voilette qui dévoile ou de l’éventail qui envoûte. Ce pourrait être une Catherine Zeta-Jones, mais elle se tient discrète.

A gauche, c’est la joue de veau et à droite la truffe blanche d’Alba qui incendie nos narines sur son risotto. En face de la joue de veau il y a un verre de Château Gazin 1959 et en face du risotto il y a un verre de Pétrus 1967. Cela pourrait donner lieu à quatre combinaisons mais en fait, personne n’a envie d’essayer de modifier la latéralité naturelle : le Gazin est diaboliquement parfait avec la joue de veau mais surtout avec sa sauce impérieuse, et le Pétrus ayant capté le parfum de la truffe blanche comme les plantes carnivores gobent les insectes, nous sommes en présence de deux accords de fusion absolument confondants de pertinence. A chaque bouchée et à chaque gorgée je me dis : « mon Dieu, arrêtez la marche du temps et laissez-moi jouir à jamais de ces accords irréels ». Le Gazin est d’une couleur de folle jeunesse, d’un rubis goutte de sang. Son nez est pénétrant et poivré. En bouche, la précision de sa trame et sa force s’imposent face à la doucereuse langueur de la joue. Le Pétrus a une couleur un peu plus trouble et d’un rubis birman. Le nez est érotiquement féminin, annonçant des caresses insoutenables. En bouche il pianote sur des notes douces, charmeuses, et le message velouté emporte le cœur. Mille fois je suis revenu sur ces accords, trouvant à chaque fois un plaisir de plus. Ce qui m’a le plus saisi, c’est la conscience que j’avais de vivre un moment inoubliable.

Nous goûtons Château Mouton-Rothschild 1967. Après quelques minutes d’épanouissement dans le verre, ce vin ouvert deux heures avant le repas nous offre du velouté, de la grâce, et une rondeur apaisante. Mais on est loin du raffinement qu’un tel vin devrait avoir. Et on ne peut pas incriminer l’âge, car la couleur du vin est d’un beau rubis et son niveau dans la bouteille est quasiment comme au premier jour. Ce vin, tout simplement, n’a pas envie de jouer les grands.

Le Château Larcis-Ducasse 1967 casse un peu le rêve, car même s’il est agréable à boire, il est propret, sans véritable émotion.

La mauvaise bouteille du Château Mouton-Rothschild 1967 est expédiée rapidement. Sans être marqué d’un défaut définitif, le vin est suffisamment torréfié et dévié pour n’offrir aucun plaisir Il n’en est pas de même de l’autre, au nez absolument sans défaut, et porteur d’un charme certain. En bouche, ce vin offre à celui qui le goûte la possibilité de l’aimer ou de ne pas l’aimer. Si on s’arrête à de petits défauts, on ne l’aimera pas. Si on retient le fond de son message, on l’aimera. Et le vin récompensera les optimistes, car dès qu’apparaissent des chipolatas, tout s’assemble dans ce vin vraiment charmant.

site : zoomvino.fr mercredi, 29 juin 2011

Lino SAENZ m’a envoyé un message au sujet de « zoomvino », son site. Comme il me demande de parler de son site, je le fais, en toute neutralité puisque je n’ai pas fait une étude spécifique du site.

Il me dit :  » zoomvino est une nouvelle plateforme de communication en ligne entre vignerons et acheteurs de vins, qui répertorie les vignobles de plus de 50 pays, 250 régions et 1700 appellations. La plupart des vignerons actifs sur le plan commercial et vendant en bouteille y sont déjà présents, et leur nombre ne cesse d‘augmenter de jour en jour. La plateforme contient aussi un guide des vins du monde, zoomvino Buzz, pour tous ceux qui souhaitent acheter directement auprès des vignerons et faire des visites de caves ».

Voici un lien vers zoomvino: http://www.zoomvino.fr/

Bonne chance à ce site.

les cinquante ans de ma promotion jeudi, 16 juin 2011

Peu de jours plus tard, je reviens à Paris pour célébrer avec mes labadens le cinquantième anniversaire de ma promotion de Polytechnique. Exprimé ainsi, cela fait un peu ancêtre pré-néanderthalien ! Nous déjeunons au siège de l’école à Palaiseau, dont les bâtiments sont sales, mal entretenus, impersonnels et froids. Le général commandant l’école nous fait un discours assez déprimant qui montre que les hauts objectifs de l’école voulue par Napoléon vont se dissoudre dans un magma universitaire « Paris Saclay », ce qui n’est pas pour nous plaire. Lors du déjeuner, beaucoup d’amis qui savent vaguement que j’ai un rapport avec le vin me demandent si j’ai apporté des vins pour cette fête.

Le dîner est prévu à « notre » école Polytechnique sur la Montagne Sainte-Geneviève. Arrivant en avance, je passe devant la cave de « de vinis illustribus » qui était, du temps où j’étais à l’école, la célèbre cave de Monsieur Besse, une figure de la profession, avec des trésors de vins anciens. Jamais je n’avais à cette époque jeté un œil sur cette boutique car le vin n’était pas dans mes centres d’intérêt. J’entre dans la boutique et je demande à Lionel Michelin s’il a des vins de 1961. Il me montre quelques bouteilles, et je jette mon dévolu sur un sauternes à la belle couleur dorée sans étiquette, mais au millésime et au nom bien lisibles sur le bouchon. Lors du repas, j’ai partagé le Château Brassens Guiteronde Sauternes 1961 avec des camarades dont certains n’imaginaient pas qu’un vin de cet âge puisse être aussi bon, avec des fruits comme la mangue confite ou l’abricot. Nous nous sommes donné rendez-vous pour les cent ans de la promotion, en espérant tricher et nous retrouver bien avant.