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La quintessence irréelle de la dégustation à l’aveugle mercredi, 4 décembre 2013

Il faut en être témoin pour le croire. Je suis assis entre Bernard Burtschy et Michel Bettane lors d’un dîner dont Aubert de Villaine est l’invité de marque. Un ami nous verse un vin sous étui, dont il est impossible de lire le nom.

Le vin est trouble, sans doute remué, d’un rouge sang coupé de rose. Il est beaucoup trop froid. Bernard et Michel annoncent tout de suite pinot noir et à la question de la région, c’est Bernard qui lance le premier la région Bourgogne. Michel est le premier à lancer Côtes de Beaune et Bernard acquiesce. Michel a en tête Volnay. Le premier à lancer une année – et il n’y en aura pas deux – c’est Bernard qui dit 1985 et c’est 1985. On lui demande pourquoi et il répond : « parce que 1985 est la seule année équilibrée des années 80″. Bien. On s’égare un peu vers Pommard, sans y croire, et le tir se rapproche de Corton et l’ami approuve. Michel dit : je verrais bien Chandon de Briailles et ça doit être un Bresssandes.

Bernard dit Clos du Roi et l’ami confirme à Bernard : « c’est effectivement Clos du Roi Chandon de Briailles « . Michel dit : « c’est curieux, parce que pour moi, c’est le style d’un Bressandes ». Et l’ami pour détromper Michel soulève le cylindre qui cachait l’étiquette, regarde et pousse un cri de stupeur : « oh, ça alors, je croyais avoir pris un Corton Clos du Roi, car je voulais faire un clin d’œil à Aubert de Villaine qui fait un Corton sur les terres de Mérode dont une partie est en Clos du Roi et je me suis trompé en la prenant ».

Si on me racontait cette histoire, j’aurais du mal à la croire. Assis entre ces deux géants de la dégustation, je hochais la tête de droite à gauche comme le spectateur d’un match de tennis et j’allais d’émerveillement en émerveillement quand ces deux sommités expliquaient les raisons de leurs choix. Le vin est un Corton Grand Cru Les Bressandes domaine Chandon de Briailles 1985 à la couleur trouble et servi trop froid, découvert à l’aveugle en additionnant ces deux talents. Très doucereux, presque parfois sucré, il était bien vivant et velouté. Un vin au fruit rose ou rouge bien dessiné, frappé d’une infime trace de TCA.

On mesure le fossé himalayesque qui sépare un amateur de vin de ces deux génies, dotés d’une culture qui m’époustoufle en chaque occasion où j’ai la chance de déguster à leurs côtés.

La France de l’Excellence – livre de François Audouze dimanche, 24 novembre 2013

Le vin est ma passion mais je suis aussi citoyen. Excédé de voir mon pays s’enfoncer dans le déclin par l’irréalisme de toutes les politiques où la démagogie et les bons sentiments ont exonéré de la nécessité de gérer, j’ai écrit un livre, « La France de l’Excellence« , pour décrire non pas ce que l’on peut faire, mais ce que l’on doit faire.

Ce livre est brutal, car les mesures présentées paraîtront impossibles. Mais ce que l’on sait, c’est que si l’élection présidentielle de 2017 se joue, comme en 2012, sur la démagogie, le pays est définitivement perdu.

Ce livre est un avertissement sur ce qu’il faut faire avec courage en impliquant l’ensemble des citoyens.

On ne discutera pas de ce livre sur ce blog, car ce n’est pas l’objet d’y parler de politique.

Mais je ne veux pas cacher l’existence de ce cri du cœur adressé à mon pays.

Il sera disponible cette semaine dans les librairies et sur les sites marchands.

La France de l’Excellence, Editions du Rocher.

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Du kebab de compétition au « Grillé » vendredi, 22 novembre 2013

Au cœur de Paris, j’ai rendez-vous avec une papesse de la communication. Elle virevolte entre ses téléphones, tutoie la terre entière, brusque les uns et caresse de sa voix les autres. Entremetteuse de talent, sans le moindre souci du contenu de mon agenda, elle m’organise pour le lendemain un enregistrement sur France Culture.

Ce jonglage permanent sur les ondes hertziennes s’arrête soudain et elle me dit : « on va manger un kebab, vous m’emmenez ». Elle sait que j’ai le dîner de l’Académie du Vin de France qui m’attend, mais on ne résiste pas à cet Attila en jupe.

Au coin d’une rue, il y a effectivement une boutique « Grillé » ouverte et lumineuse, qui fait des kebabs. On me dit que le midi, on y fait la queue tant il y a de demandes, et ce soir, nous sommes les premiers servis du premier service du soir de la boutique qui n’était active qu’au déjeuner. C’est donc le soir d’ouverture. Et là, qui vois-je ? Hugo Desnoyer le boucher le plus célèbre de Paris. Il est associé dans cette affaire. Quelle belle surprise ! On me donne à goûter un kebab absolument délicieux, dont la viande est excellente et la sauce verte judicieusement épicée. On peut grignoter de petites frites croquantes à souhait. Ce lieu a joué la carte de la qualité et c’est franchement bon.

Ne dites pas à ma mère que je suis dans un kebab, elle me croit au dîner de l’Académie du Vin de France, où je me rends toutes affaires cessantes.

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Gault et Millau lance son guide 2014 mardi, 29 octobre 2013

Gault et Millau lance son guide 2014 et fête ses quarante ans. Une foule immense se presse au théâtre du Trianon. Ce qui est impressionnant, c’est que 80 chefs lourdement toqués sont venus supporter le guide et tous ceux qui feront partie des palmarès.

Alain Passard est le parrain d’une école Gault & Millau qui insufflera aux élèves le respect de la nature : « les tomates, on doit n’y penser que trois mois par an ». Le rythme des saisons, ce doit être sacré. Michel Guérard fait un discours lyrique qui valorise le travail des chefs.

Ce qui frappe, c’est le dynamisme du guide, mis en avant par son directeur général Côme de Chérisey. L’intérêt de cette réunion, et sans doute l’intérêt du guide, c’est de faire apparaître des jeunes talents, des grands chefs de demain, et de nouvelles institutions disséminées aux quatre coins de l’Hexagone. On nous a présenté 27 jeunes talents de moins de trente ans, six grands de demain, trois nouveaux 4 toques, un nouveau 5 toques, Christian Le Squer, puis les trois nominés pour le titre de cuisinier de l’année, dont le vainqueur est Arnaud Lallement, le chef de l’Assiette Champenoise.

Le Gault & Millau met en valeur la cuisine qui bouge, qui invente et qui excelle. Dans la patrie historique de la gastronomie, on n’est pas chauvin puisque c’est un cuisinier belge, Piet Huysentruyt qui est nommé découverte de l’année. Et c’est tant mieux, car la cuisine aujourd’hui est planétaire.

Après les inévitables discours, suffisamment courts pour qu’on ne se lasse pas, sept chefs pleins d’avenir dont David Toutain et Guillaume Iskandar ont donné à goûter d’excellents petits plats raffinés, arrosés par le champagne Mumm, le Château La Louvière et d’autres vins, sponsors de cette manifestation.

L’atmosphère créée par le guide et par des chefs de grand talent a fait de cet anniversaire une soirée de chaude amitié et de grand plaisir.

Les 80 chefs venus fêter 40 ans de Gault & Millau

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Alain Passard présente l’école Gault & Millau

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Christian le Squer obtient 5 toques

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Michel Guérard fait un discours à côté du plus jeune « toqué »

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les jeunes espoirs de moins de 30 ans dont Guillaume Iskandar de Garance

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les trois nominés au titre de meilleur cuisinier de l’année, dont le vainqueur, Arnaud Lallement est en blanc

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j’aime beaucoup cette photo d’Arnaud Lallement, qui semble seul face à son brillant destin

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rangement de cave jeudi, 10 octobre 2013

J’ai l’intention d’écrire un livre qui racontera mes plus belles aventures avec des vins rares ou étranges. Ayant gardé beaucoup de trophées, je suis en train de les rassembler pour choisir les plus beaux. Il y a un peu plus de la moitié sur cette photo.

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quelques très vieilles bouteilles :

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La France n’a jamais été aussi jeune jeudi, 22 août 2013

Tous les démographes vous le disent, la France vieillit.

Le nombre de centenaires va être multiplié par trente, les nonagénaires vont se multiplier par dix, et les plus de 60 ans vont tripler.

Par ces propos, on veut affoler les populations en laissant entendre :

– il y a beaucoup trop de vieux

– on ne pourra jamais financer leur maintien en bonne santé.

Et on ressort les éternels poncifs :

– un pays qui a trop de vieux est réactionnaire

– il est figé dans ses conformismes

– il n’invente plus l’avenir.

Et si c’était l’inverse ?

Jamais un sexagénaire n’a été aussi jeune : il voyage, fait du sport, fait attention à sa forme physique et à son alimentation. Et il sait qu’il a probablement vingt ans devant lui, ce qui lui permet d’avoir des projets.

Pour chaque tranche d’âge, jamais les citoyens d’un âge déterminé n’ont été aussi jeunes dans leur corps et dans leur esprit.

C’est donc une chance formidable de se dire qu’à âge égal, on a une espérance de vie et donc de projets qui n’a jamais été aussi grande.

Alors, oui, la France n’a jamais été aussi jeune.

Si le travail n’était pas présenté comme une aliénation dont l’Etat souhaite libérer le citoyen au plus vite, en multipliant les cas de pénibilité, si le travail était considéré comme l’accomplissement d’une vie, donnant un sens à la vie de chacun, on pourrait travailler jusqu’à 80 ans, en aménageant les postes pour s’adapter à la résistance physique et psychique des séniors.

Et alors, on pourrait dire sans crainte : oui, la France est de plus en plus jeune, car ses citoyens, à chaque âge se sentent de plus en plus jeunes et de plus en plus responsables de leurs destins.

New book of Richard Juhlin : A scent of Champagne dimanche, 11 août 2013

Richard Juhlin is the greatest world expert for champagne. I have had the chance to taste champagnes with him. It is an honor.

He has sent me this message :

I just wanted to inform my friends that I release my 7th book in October this year. The book is by far my best ever and is called « A scent of Champagne ». The perfect Christmas gift for your clients and friends.

I sell it myself and have a special offer (attached) for you.

Unfortunately the link in Swedish is the only one ready now. But I think you get an idea just by looking at this one. https://www.dropbox.com/s/kd40qz4fn85zy4o/Juhlin_En%20doft%20av%20Champagne.pdf

Hope you like to have it and that you will enjoy it.

 

His book should have a great success because all what he says about champagne is of an extreme interest, with knowledge and sensitivity.

Primitive tastes lundi, 5 août 2013

Primitive tastes

In France we have a museum devoted to « les arts premiers », which could be translated by « primitive arts » or « initial arts ».

I have had the idea to find which are for me the primitive tastes or initial tastes, but which could be better named by « immediate tastes ».

This means tastes which are immediately recognized as « wow » tastes.

Having reached that stage, I knew that everyone has his own taste because he has his own history. Therefore, there will never be any universal answer.

But, why not answering the question.

 

For sweet tastes, my answer (of a French man) is :

 

1 – a perfect ripe apricot

2 – a Calisson d’Aix http://fr.wikipedia.org/wiki/Calisson

3 – chocolate mousse (and I would add : from my mother)

 

Candidates for the following places : macaroon, sugared cakes with a peach salad, passion fruit….

 

For salted tastes, my answer would be :

 

1- fried eggs

2 – freshly cooked baguette with butter

3 – pigeon filet cooked with blood drop

 

Other candidates would be : langoustines, perfect camembert, garlic sausage, Robuchon mashed potatoes.

What is clear in these answers is that I do not name sophisticated recipes from the most taneted chefs. I name tastes which are immediately recognized. The second thing which is clear is that it is the answer of a French man.

 

The temptation was then to use this concept for alcoholic beverages.

My answer is :

 

1 – Chartreuse Tarragone before 1930

2 – a nice cool beer because nothing refreshes as well as a beer

3 – a great Port wine around 1945.

 

I did not name sophisticated wines, but tastes immediately enjoyable at a high level.

 

It would be good to compare with answers from other horizons.

Les goûts premiers lundi, 5 août 2013

Les goûts premiers

Un concept existe, celui des arts premiers. Pourquoi ne pas imaginer des goûts premiers, ceux dont on imagine qu’ils sont reconnaissables par tous et entraîneront la réaction : « oh, que c’est bon ! » ?

On peut imaginer qu’il y aura autant de réponses que d’individus, car le goût est très personnel et façonné par une histoire elle-même personnelle.

Il en est ainsi du concept « musique et vin », car chacun associera une musique et un vin alors que cet accord ne fera pas vibrer une autre personne.

Tout en sachant qu’il s’agit d’un terrain mouvant, j’ai envie de me lancer.

Il s’agira de goûts premiers, c’est-à-dire que la sophistication n’est pas nécessaire.

Pour les goûts sucrés, voici mon tiercé :

1 – l’abricot, lorsqu’il est à parfaite maturité, fondant

2 – le calisson d’Aix(qui peut résister à cette luxure ?)

3 – la mousse au chocolat (je serais tenté d’ajouter : « de ma maman »).

Au-delà de ce tiercé, les candidats seraient : les macarons, les cigarettes russes avec une salade de pêches, le fruit de la passion, etc…

Pour les goûts salés, voici mon tiercé :

1 – des œufs sur le plat

2 – une baguette encore chaude avec du beurre

3 – filet de pigeon à la goutte de sang

Au-delà de ce tiercé, les candidats seraient : langoustine juste saisie, camembert parfait, saucisson moelleux, purée de pomme de terre Robuchon, etc..

Une cuisine élaborée et de talent pourrait conduire à des saveurs qui feraient dire : « oh, que c’est bon ! », mais il ne s’agirait pas de goûts premiers.

La tentation est grande, alors, de penser aux boissons alcoolisées, pour trouver aussi les goûts premiers.

Mon tiercé serait :

1 – Chartreuse Tarragone avant 1930

2 – une bonne bière fraîche car rien n’étanche mieux la soif

3 – un grand Porto vers 1945

On voit bien dans ce tiercé qu’il n’y a pas la recherche du goût le plus sophistiqué, mais du goût le plus immédiatement porteur de plaisir.

Ce serait intéressant de comparer des réponses à cette question, qui ne cherche pas le sophistiqué mais l’immédiate reconnaissance de la séduction.

Le goût premier serait comme un coup de foudre.