beau dîner d’été à la table d’hôtes d’Yvan Rouxmardi, 13 juillet 2010

Jonathan, jeune complice de beaucoup de dîners amicaux, descend dans le sud avec ses parents et sa fiancée. Il souhaite montrer à son père la table d’hôtes d’Yvan Roux. Il nous invite amicalement à nous joindre à son cortège. Par une lourde soirée d’été, devant une mer sans le moindre frissonnement, plate comme un miroir, la vue de la terrasse est toujours aussi merveilleuse.

Yvan tranche de fines lamelles d’un jambon Pata Negra de Séville qui est d’un goût parfait. Le gras, la douceur de ce jambon sont dosés idéalement. J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1988. Ce champagne est extrêmement plaisant. Sa couleur est celle d’un minot, alors qu’il a vingt-deux ans. La bulle est fine et active, le nez est racé, et le plaisir de boire est extrême. C’est un vrai champagne de soif au goût de revenez-y. Avec le jambon, l’association est tellement naturelle qu’ils sont faits l’un pour l’autre.

Nous passons à table sur la grande terrasse, et l’entrée consiste en une fleur de courgette, un beignet de lotte et un « foie gras » de lotte au basilic, la préparation des foies ressemblant visuellement à s’y méprendre à un foie gras. Cette partie de l’entrée se marie très précisément avec le champagne. La fleur de courgette est agréable et le beignet de lotte, absolument délicieux, donne envie d’aborder le Meursault Clos de la Barre Domaine Comtes Lafon 2000. La couleur du vin est d’un beau citron clair. Le nez donne une image de sérénité et d’équilibre. Et en bouche, le vin qui n’est pas trop puissant joue agréablement de sa fraîcheur mariée à des effets de beurre et de lait discret. C’est un beau vin, qui profite de l’accord avec la lotte.

Mais le véritable régal pour ce vin, c’est un divin carpaccio de pélamide avec son pesto et des tomates confites. La chair de cette bonite est d’une douceur extrême. Elle fond en bouche et le meursault répond au quart de tour à sa douceur. Un meursault plus puissant eût dominé. Celui-ci ajoute sa grâce à celle d’une chair rose terriblement fondante.

L’esquinade est présentée en copeaux dans sa coquille, au beurre salé, avec une ratatouille. Ma femme est ravie de la qualité expressive de cette chair. L’Hermitage Chave rouge 1997 est exactement ce qui convient pour créer un accord de texture de première grandeur avec le décapode. On retrouve avec ce vin les problèmes de l’été : très sensible à des variations infimes de températures, il ne nous a jamais donné ce qu’il est capable, n’arrivant pas à passer à la vitesse supérieure. Il a fallu attendre deux plats pour qu’il soit assez frais et décline sa finesse extrême.

A l’inverse du Chave, le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 2001 est immédiatement glorieux. Quel beau vin. Il se marie très bien à une liche crue et cuite aux sésames avec une purée de poivron au piment d’Espelette. Le vin est riche, charnu mais aussi élégant et accueillant.

Le chapon à l’ail rose confit et thym de Sisteron a une chair que j’adore. Quel beau poisson ! Sur cette chair, les deux vins conviennent. Mais mon cœur va pencher vers le Chave, devenu enfin spirituel, qui a l’élégance des années calmes, ce qui lui va bien. Les deux vins sont passionnants. Le Châteauneuf a été constamment grand. L’Hermitage, quand il a brillé, a montré une délicatesse et une richesse expressive remarquable. Il est clair que boire de grands vins par de grandes chaleurs n’est pas le meilleur service à leur rendre.

La pêche rôtie au thé, miel en sabayon se marie avec une grande pertinence au Château d’Yquem 1990 à la robe très jeune. Ce sauternes à la couleur encore pâle est d’une grande solidité. Il est droit dans ses bottes, fidèle à la ligne historique d’Yquem. C’est un très bel Yquem jeune.

Yvan Roux a démontré une fois de plus que ses choix de poissons sont pertinents et que ses cuissons sont d’une exactitude absolue. Les chairs les plus belles ont été pour moi le carpaccio de pélamide, l’araignée de mer et le chapon à l’ail. Les accords les plus beaux sont le Pata Negra avec le champagne, le chapon avec le Chave, le carpaccio avec le meursault. Pour les vins, ma préférence va au champagne Henriot, qui profite mieux des fortes chaleurs puisqu’il rafraîchit le palais, puis au même niveau les deux vins rouges du Rhône. Dans une ambiance amicale, sur un panorama grandiose, une cuisine exacte, de beaux produits et de grands vins, les vacances ont un sel particulier.